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toutefois supposer que ce traité ou plutôt cette longue épître sur la Tranquillité de l'âme, est un des premiers écrits de Sénèque, et qu’il le composa peu de temps après son retour de la Corse. A une phrase qui semble faire allusion à ce soudain changement de sa fortune, on conjecture que ce traité date des commencements de l’élévation de Sénèque. Dans quelques anciennes éditions la Tranquillité de l'âme n’est regardée que comme la première partie de la Constance du sage, et intitulée Liber primus, et la Constance du sage, également dédiée à Serenus, y fait suite comme liber secundus. On peut s’étonner de voir Sénèque faire si souvent hommage de ses écrits à Serenus, dont la vie et la mort ne sont guère d’un philosophe ; mais Serenus était ami et parent de Sénèque ; il était capitaine des gardes de Néron ; c’est lui qui, afin de voiler la passion naissante du jeune prince pour une affranchie nommée Acté, avait, de concert avec Sénèque, feint de l’aimer pour son propre compte, et faisait dans le public passer sous son nom ce que Néron donnait furtivement à sa maîtresse. C’était là un rôle assez singulier, et l’on conçoit les ennuis de Serenus ; mais l’on ne s’explique pas aussi bien les complaisances de Sénèque envers son élève.

Ce livre de la Tranquillité ne peut être rangé parmi les meilleurs de notre philosophe, tant à cause des nombreuses lacunes qui en rompent l’unité, que des contradictions dans lesquelles tombe l’auteur. Il intéresse cependant par une peinture vraie et animée des différents états de la société, et par une grande connaissance du cœur humain. La morale y est souvent relevée par des anecdotes intéressantes. On y trouve des portraits qui sembleraient tracés d’hier.

C.