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bien, avant tout, que nul de nous n’est sans reproche. Car voici d’où viennent vos indignations les plus vives : Je n’ai point failli ; je n’ai rien fait, disons-nous ; c’est-à-dire que nous ne convenons de rien. Toute réprimande, toute correction nous révolte ; et alors même à nos premières fautes, nous en ajoutons une nouvelle, l’orgueil et la rébellion. Eh ! où est l’homme qui ose se proclamer pur à la face de toutes les lois ? Et quand cet homme existerait, quelle étroite vertu qu’une vertu légale ! Combien nos devoirs s’étendent plus loin que les prescriptions du droit ! Que de choses nous commandent la piété, l’humanité, la bienfaisance, la justice, la loyauté, dont nulle n’est gravée aux tables de la loi !

XVIII. Cependant, même cette formule étroite d’innocence, nous ne pouvons la suivre. Nous avons tous ou fait ou médité le mal, nous l’avons souhaité ou favorisé, et souvent, si nous ne fûmes point coupables, c’est pour n’avoir pu réussir à l’être. Cette pensée nous rendra plus indulgents pour autrui, et moins indociles aux reproches. Surtout ne nous emportons pas contre nous-mêmes (qui épargnera-t-on si l’on ne se respecte ?), et moins encore contre les dieux. Ce n’est point par leur volonté, mais par la loi de notre condition mortelle que nous subissons les disgrâces qui surviennent ici-bas. Mais les maladies, les souffrances qui nous assiègent ? Elles nous avertissent qu’il faut de manière ou d’autre sortir du domicile malsain qui nous est échu.

Il vous reviendra qu’un tel a mal parlé de vous ; songez si vous ne l’avez point provoqué ; songez sur combien de gens vous-même tenez de mauvais discours ; songez en un mot qu’il l’a fait, soit