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volonté. Celui-ci est simple ; l’action de l’esprit est complexe et renferme plus d’un élément. Notre esprit a conçu quelque chose qui l’indigne, qu’il condamne, qu’il veut punir, et rien de tout cela ne peut se faire, si lui-même ne s’associe à l’impression des sens.

II. « À quoi tendent ces questions ? » À bien connaître la colère. Car si elle naît malgré nous, jamais la raison ne la surmontera. Tout mouvement non volontaire est invincible, inévitable, comme le frisson que donne une aspersion d’eau froide, comme la défaillance de cœur que provoquaient certains coups, comme lorsqu’à de fâcheuses nouvelles notre poil se hérisse, que des mots déshonnêtes nous font rougir, et que le vertige nous saisit, à la vue d’un précipice. Aucun de ces mouvements ne dépendant de nous, la raison ne peut en rien les prévenir. Mais les préceptes dissipent la colère ; car ici, c’est un vice tout volontaire, et non l’une de ces fatalités humaines, de ces accidents qu’éprouvent les plus sages, et dont il faut voir un exemple dans cette vive souffrance morale dont nous frappe tout d’abord l’idée de l’injustice. Ce sentiment s’éveille même aux jeux de la scène et à la lecture de l’histoire. Ne sent-on pas souvent une sorte de colère contre un Clodius qui bannit Cicéron ? contre un Antoine qui l’assassine ? qui n’est indigné des exécutions militaires de Marius, des proscriptions de Sylla ? Qui ne maudit un Théodote, un Achillas, et même ce roi enfant, qui déjà est homme pour le crime ? Quelquefois même le chant et de rapides modulations nous animent ; nos âmes sont émues au son martial des trompettes, à une tragique peinture, au triste appareil des supplices les plus mérités. C’est ainsi que l’on rit en