Page:Sénèque - Œuvres complètes, trad. Baillard, tome II.djvu/622

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
612
QUESTIONS NATURELLES.

petits et moins lumineux parce qu’ils rétrogradent et s’éloignent. »

XVIII. On répond facilement à cela, qu’il n’en est pas des comètes comme des autres astres. Du premier jour où elles paraissent, elles ont toute leur grosseur. Or, elles devraient s’accroître en s’approchant de nous ; et cependant leur premier aspect ne change pas, jusqu’à ce qu’elles commencent à s’éteindre. D’ailleurs on peut dire contre Apollonius ce qu’on dit contre les auteurs précités : si les comètes étaient des astres, et des astres errants, elles ne rouleraient pas en dehors du zodiaque, dans lequel toute planète fait sa révolution. Jamais étoile ne paraît au travers d’une autre. La vue de l’homme ne peut percer le centre d’un astre, pour voir au delà quelque astre plus élevé. Or, on découvre à travers les comètes comme à travers un nuage, les objets ultérieurs : la comète n’est donc point un astre, mais un feu léger et irrégulier.

XIX. Zénon, notre maître, estime que ce sont des étoiles dont les rayons convergent et s’entremêlent, et que de cette réunion de lumières résulte un semblant d’étoile allongée. De là, quelques philosophes jugent que les comètes n’existent pas ; que ce sont des apparences produites par la réflexion des astres voisins, ou par leur rencontre, et quand la cohésion s’est faite. D’autres admettent leur réalité, mais pensent qu’elles ont leur cours particulier, et qu’après certaines périodes elles reparaissent aux yeux des hommes. D’autres enfin croient qu’elles existent, mais leur refusent le nom d’astres, vu qu’elles s’en vont pièce à pièce, qu’elles ne durent guère, et en peu de temps s’évaporent.

XX. Presque tous ceux de notre école sont de cette opinion, qui leur semble ne pas répugner à la vérité. Et, en effet, nous voyons au plus haut des airs s’allumer des feux de toute espèce, tantôt le ciel s’embraser, tantôt

Fuir en longs traits d’argent des flammes blanchissantes[1],


tantôt courir des torches avec de larges sillons de feu. La foudre même, malgré sa prodigieuse rapidité, qui nous fait passer en un clin d’œil de l’éblouissement aux ténèbres, est un feu dû à l’air froissé, un feu qui jaillit d’une forte collision atmosphérique. Aussi n’est-ce qu’une flamme sans durée, qui fait explosion et qui passe et à l’instant s’évanouit. Les autres feux sub-

  1. Virgile, Georg., I, 367.