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LIVRE VII.

teur, s’ils le traînaient sur des événements trop communs, s’endormirait, ils le réveillent par des prodiges. D’autres sont crédules, d’autres négligents. Quelques-uns se laissent prendre au mensonge, quelques autres y ont goût ; ceux-ci ne savent pas l’éviter, ceux-là courent après. C’est le défaut commun à toute la race : on n’accueillera pas leur œuvre, elle ne sera point populaire, pensent-ils, s’ils ne l’ont saupoudrée de mensonge. Éphorus, l’un des moins consciencieux, est souvent trompé, souvent trompeur. Cette comète, par exemple, si anxieusement observée par tout ce qu’il y avait d’yeux au monde, à cause de la grande catastrophe quelle amena dès qu’elle parut, la submersion d’Hélice et de Buris, il prétend qu’elle se sépara en deux étoiles, et il est le seul qui l’ait dit. En effet, qui pouvait saisir l’instant de la dissolution, du fractionnement de la comète en deux parties ? Et comment, si quelqu’un la vit se dédoubler, nul ne l’a-t-il vue se former de deux étoiles ? Pourquoi Éphorus n’a-t-il pas ajouté les noms de ces deux étoiles ? L’une au moins devait faire partie des cinq planètes ?

XVII. Apollonius de Myndes est d’une autre opinion. Selon lui, la comète n’est pas un assemblage de planètes ; mais une foule de comètes sont des planètes réelles. « Ce ne sont point, dit-il, des images trompeuses, des feux qui grossissent par le rapprochement de deux astres ; ce sont des astres particuliers, tel qu’est le soleil ou la lune. Leur forme n’est point précisément ronde, mais élancée, étendue en longueur. Du reste, leur orbite n’est pas visible ; ils traversent les plus hautes régions du ciel et ne deviennent apparents qu’au plus bas de leur cours. Ne croyons pas que la comète qu’on vit sous Claude soit la même que celle qui parut sous Auguste, ni que celle qui s’est montrée sous Néron, et qui a réhabilité les comètes, ait ressemblé à celle qui, après le meurtre de Jules César, durant les jeux de Vénus Génitrix, s’éleva sur l’horizon vers la onzième heure du jour. Les comètes sont en grand nombre et de plus d’une sorte ; leurs dimensions sont inégales, leur couleur diffère ; les unes sont rouges, sans éclat ; les autres blanches et brillantes de la plus pure lumière ; d’autres présentent une flamme mélangée d’éléments peu subtils et se chargent, s’enveloppent de vapeurs fumeuses. Quelques-unes sont d’un rouge de sang, sinistre présage de celui qui sera bientôt répandu. Leur lumière augmente et décroît comme celle des autres astres qui jettent plus d’éclat, qui paraissent plus grands à mesure qu’ils descendent et s’approchent de nous, plus