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LIVRE VII.

même puissance ; d’ailleurs, tous ces phénomènes n’arrivent que dans le voisinage de la terre, au-dessous de la lune. La région supérieure est pure, sans mélange qui l’altère, et a toujours sa couleur propre. Et si pareil phénomène s’y manifestait, il n’aurait pas de durée, il disparaîtrait bien vite, comme ces couronnes qui se forment autour du soleil et de la lune, et qui presque aussitôt s’effacent. L’arc-en-ciel même ne dure guère. Si la lumière de deux planètes pouvait remplir l’espace intermédiaire entre elles, elle ne serait pas moins prompte à se dissiper, ou du moins ne subsisterait pas aussi longtemps que les comètes. Les planètes roulent dans les limites du zodiaque, c’est leur cercle d’évolutions ; or, on voit des comètes sur tous les points, elles ne sont pas plus circonscrites dans l’espace que l’époque de leur apparition n’est fixe.

XIII. Artémidore répond « que nos cinq planètes sont les seules observées, mais non pas les seules existantes ; qu’il nous en échappe une foule innombrable, soit que l’obscurité de leur lumière nous les rende invisibles, soit que la position de leur orbite ne nous permette de les voir que quand elles en touchent le point extrême. Il intervient donc, selon lui, des étoiles nouvelles pour nous qui confondent leur lumière avec celle des étoiles fixes, et projettent une flamme plus grande que celle des planètes ordinaires. » De tous les mensonges d’Artémidore, celui-ci est le plus léger ; car sa théorie du monde n’est, d’un bout à l’autre, qu’une fable impudente. À l’en croire, « la région supérieure du ciel est solide : sorte de plafond résistant, voûte profonde et épaisse, composée d’un amas d’atomes condensés ; la couche suivante est de feu, tellement compacte qu’elle ne saurait se dissiper ni s’altérer. Il y a pourtant des soupiraux et comme des fenêtres par lesquelles pénètrent les feux de la partie extérieure du monde, non pas en si grande quantité qu’ils en puissent troubler l’intérieur, d’où ils remontent au dehors. Ceux qui paraissent contre l’ordre accoutumé découlent de ce foyer extérieur. » Réfuter de telles choses serait donner des coups en l’air et s’escrimer contre les vents.

XIV. Je voudrais pourtant que ce philosophe, qui a fait au ciel un plancher si ferme, m’expliquât pourquoi nous devons croire à l’épaisseur dont il nous parle. Quelle puissance a porté si haut ces masses si compactes et les y retient ? Des éléments si massifs sont nécessairement d’un grand poids. Comment des corps pesants restent-ils au plus haut des cieux ? Comment