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LIVRE VII.

En accordant même quelque durée aux tourbillons, contre toute possibilité, que dira-t-on des comètes qui se montrèrent six mois de suite ? Ensuite il faudrait qu’il y eût deux mouvements en un même lieu : l’un de nature divine, permanent, et poursuivant son œuvre sans relâche ; l’autre, nouveau, accidentel, imprimé par un tourbillon. Nécessairement ils se feraient mutuellement obstacle. Or, les révolutions de la lune et des planètes qui roulent au-dessus d’elles sont irrévocablement fixées ; jamais d’hésitation ni d’arrêt, jamais rien qui fasse soupçonner qu’elles rencontrent quelque empêchement. On ne peut croire qu’un tourbillon, le plus violent, le plus désordonné des orages, arrive jusqu’au milieu des astres et se rue à travers ces rangs si paisibles, si harmonieux. Admettrons-nous que des circonvolutions d’un tourbillon il puisse naître un feu qui, lancé jusqu’au haut du ciel, nous fasse croire par son aspect même que c’est un astre allongé ? Au moins cette flamme devra-t-elle, ce me semble, avoir la forme de ce qui la produit : or, la forme d’un tourbillon est ronde, il tournoie sur place, comme ferait une colonne sur son axe ; la flamme qu’il porterait dans ses flancs devrait donc être ronde aussi. Mais la flamme des comètes est longue, éparse et nullement cylindrique

XI. Laissons Épigène, et poursuivons l’examen des autres opinions. Mais, avant de les exposer, rappelons-nous que les comètes ne se montrent pas dans une seule région du ciel, ni dans le cercle du zodiaque exclusivement : elles paraissent au levant tout comme au couchant, mais le plus souvent vers le nord. Leurs formes diffèrent ; car, quoique les Grecs en aient fait trois catégories : l’une, dont la flamme pend comme une barbe ; l’autre, qui s’entoure d’une sorte de chevelure éparse ; la troisième, qui projette devant elle un cône de lumière ; toutes cependant sont de la même famille et portent à bon droit le nom de comètes. Mais, comme elles n’apparaissent qu’à de longs intervalles, il est difficile de les comparer entre elles. Durant même leur apparition, les spectateurs ne sont point d’accord sur leur état réel : mais, selon qu’on a la vue plus perçante ou plus faible, on les dit plus brillantes ou plus rouges, on juge leur chevelure plus ramassée sur le corps de l’astre, ou plus saillante sur les côtés. Au reste, qu’il y ait entre elles quelques différences ou qu’il n’y en ait aucune, nécessairement toutes les comètes sont produites par les mêmes causes. Le seul fait bien constant, c’est que l’apparition des comètes est insolite, leur forme étrange, et qu’elles traînent autour d’elles