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QUESTIONS NATURELLES.

listhène, précéda la submersion d’Hélice et de Buris. Aristote prétend que ce n’était pas une poutre, mais une comète, qu’au reste son grand éclat empêchait de voir sa diffusion ; mais que plus tard, quand il se fut affaibli, la comète parut ce qu’elle était. Cette apparition, remarquable sous plus d’un rapport, l’est surtout en ceci, qu’aussitôt après, la mer couvrit ces deux villes. Aristote regardait-il cette poutre, ainsi que toutes les autres, comme des comètes ? Mais il y a cette différence que la flamme des poutres est continue, et celle des comètes éparpillée. Les poutres brillent d’une flamme égale, sans solution de continuité, sans affaiblissement, seulement plus concentrée vers les extrémités. Telle était, d’après Callisthène, celle dont je viens de parler.

VI. « Il y a, dit Épigène, deux espèces de comètes. Les unes projettent en tous sens une flamme vive, et ne changent point de place ; les autres jettent d’un seul côté une flamme éparse comme une chevelure, et passent plus bas que les étoiles ; de cette espèce furent les deux comètes que notre siècle a vues. Les premières sont hérissées dans leur contour d’une sorte de crinière ; immobiles, presque toujours peu élevées, elles sont produites par les mêmes causes que les poutres et les torches, par une surabondance d’air épais où tourbillonnent force émanations humides et sèches de notre globe. Ainsi le vent, comprimé dans des lieux étroits, peut enflammer l’air supérieur, si cet air est riche d’éléments inflammables ; il peut ensuite écarter de ce centre lumineux l’air voisin, qui rendrait fluide et alanguirait le globe de feu ; enfin, le lendemain et les jours suivants, il peut s’élever encore aux mêmes points pour y rallumer l’incendie. Nous voyons, en effet, les vents plusieurs jours de suite renaître aux mêmes heures. Les pluies aussi et les autres météores orageux ont leurs retours périodiques. » Enfin, pour résumer la théorie d’Épigène, il croit ces comètes formées d’une manière analogue à l’explosion de feux qu’amène un tourbillon, La seule différence est que les trombes fondent des régions supérieures sur le globe, au lieu que les comètes s’élèvent du globe vers ces mêmes régions.

VII. On fait contre ce système plusieurs objections. D’abord, si le vent était ici cause agissante, il venterait toujours à l’apparition des comètes ; or, elles se montrent par le temps le plus calme. Ensuite, si le vent leur donnait naissance, elles disparaîtraient à la chute du vent ; si elles commençaient avec lui, elles grandiraient de même ; elles auraient d’autant plus d’é-