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LIVRE VI.

nom de tremblement, et qui diffère des deux autres. Car alors il n’y a ni secousse étendue, ni inclinaison ; il y a vibration. Ce cas est moins nuisible, comme aussi l’inclinaison l’est beaucoup plus que la secousse. Car s’il ne survenait promptement un mouvement opposé, qui redressât la partie inclinée, un vaste écroulement s’ensuivrait. Les trois mouvements diffèrent entre eux, en raison de leurs causes diverses.

XXII. Parlons d’abord du mouvement de secousse. Qu’une longue file de chariots s’avance pesamment chargée, et que les roues tournant avec effort tombent dans les creux du chemin, vous sentez le sol qui s’ébranle. Asclépiodote rapporte que la chute d’un rocher énorme détaché du flanc d’une montagne fit écrouler par contre-coup des édifices voisins. Il peut se faire de même sous terre qu’une roche détachée tombe bruyamment de tout son poids dans les cavités qu’elle dominait, avec une force proportionnée à sa masse et à son élévation. Et ainsi la voûte de la vallée souterraine tremble tout entière. Vraisemblablement la chute de ces rochers ne vient pas seulement de leur poids ; mais les fleuves qui roulent au-dessus, et dont l’action permanente ronge le lien des pierres, en emportent chaque jour quelque chose, l’eau écorchant pour ainsi dire cette peau qui la contient. Cette détérioration continuée pendant des siècles et ce perpétuel frottement minent le rocher, qui cesse de pouvoir soutenir son fardeau. Alors s’écroulent des masses d’une pesanteur immense ; alors le rocher se précipite, et, rebondissant sur le sol inférieur, ébranle tout ce qu’il frappe.

Le fracas l’accompagne et tout croule avec lui[1],


comme dit Virgile. Telle sera la cause du mouvement de secousse. Passons au second mouvement.

XXIII. La terre est un corps poreux et plein de vides. L’air circule dans ces vides, et s’il en est entré plus qu’ils n’en laissent sortir, il ébranlera la terre. Cette cause est admise par beaucoup d’auteurs, comme je viens de le dire, si tant est que la foule des témoignages fasse autorité pour toi. C’est aussi l’opinion de Callisthène, homme bien digne d’estime ; car il eut l’âme élevée, et ne voulut point souffrir les extravagances de son roi. Ce nom-là est contre Alexandre un grief éternel, que ni aucune vertu, ni des guerres toujours heureuses ne rachèteront. Chaque fois qu’on dira : « Que de milliers de Perses sont tom-

  1. Enéide, VIII, 525.