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QUESTIONS NATURELLES.

le vent qui pousse les eaux, et qui, déchaîné avec violence, ébranle la partie de la terre contre laquelle il lance les ondes amoncelées. Souvent, engouffré dans les canaux intérieurs du globe, d’où il cherche à fuir, il agite tous les alentours : car la terre est perméable aux vents, fluide trop subtil pour pouvoir être tenu en dehors, et trop puissant pour qu’elle résiste à son action vive et rapide. »

Épicure admet la possibilité de toutes ces causes, et en propose plusieurs autres : il blâme ceux qui se prononcent pour une seule, vu qu’il est téméraire de donner comme certain ce qui ne peut être qu’une conjecture. « L’eau, dit-il, peut ébranler la terre, en la détrempant et en rongeant certaines parties qui deviennent trop faibles pour servir de bases comme auparavant. Le tremblement peut être produit par l’action de l’air intérieur, dans lequel l'introduction de l’air extérieur porterait le trouble. Peut-être l’écroulement subit de quelque masse venant à refouler l’air cause-t-il la commotion. Peut-être le globe est-il en quelques endroits soutenu comme par des colonnes et des piliers qui, entamés et fléchissants, font chanceler la masse qu’ils supportent. Peut-être un vent brûlant, converti en flamme et analogue à la foudre, fait-il en courant un immense abatis de ce qui lui résiste. Peut-être des eaux marécageuses et dormantes, soulevées par le vent, ébranlent-elles la terre par leur choc, ou le mouvement même de ces eaux accroît-il l’agitation de l'air qu’il irrite et porte de bas en haut. » Au reste, il n’est aucune de ces causes qui paraisse à Épicure plus efficace que le vent.

XXI. Nous aussi, nous croyons que l’air seul peut produire de tels efforts ; car rien dans la nature n’est plus puissant, plus énergique ; et sans air les principes les plus actifs perdent toute leur force. C’est lui qui anime le feu ; sans lui les eaux croupissent ; elles ne doivent leur fougue qu’à l’impulsion de ce souffle, qui emporte de grands espaces de terre, élève des montagnes nouvelles, et crée au milieu des mers des îles qu’on n’y avait jamais vues. Théré, Thérasia, et cette île contemporaine que nous avons vue naître dans la mer Egée, peut-on douter que ce ne soit ce même souffle qui les ait produites à la lumière ? Il y a deux espèces de tremblements, selon Posidonius : chacun a son nom particulier. L’un est une secousse qui agite la terre par ondulations ; l’autre, une inclinaison qui la penche latéralement comme un navire. Je crois qu’il en est une troisième, justement et spécialement désignée par nos pères sous le