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QUESTIONS NATURELLES.

force impulsive, qui d’ordinaire déchaîne les vents, est concentrée dans les cavités souterraines. » Naguère, en effet, lors du tremblement de la Campanie, bien qu’on fût en hiver, l’atmosphère quelques jours avant fut constamment tranquille. Qu’est-ce à dire ? La terre n’a-t-elle jamais tremblé un jour de vent ? Il est bien rare que deux vents soufflent à la fois. La chose pourtant est possible et se voit : si nous admettons, et s’il est constant que deux vents opèrent simultanément quand le sol tremble, pourquoi l’un n’agiterait-il pas l’air supérieur, l’autre l’air souterrain ?

XIII. On peut ranger dans cette opinion Aristote, et son disciple Théophraste, dont le style, sans être divin comme le trouvaient les Grecs, a de la douceur et une élégance qui ne sent point le travail. Voici ce que l’un et l’autre pensent, « Il sort toujours de la terre des vapeurs, tantôt sèches, tantôt mêlées d’humidité. Celles-ci, venues des entrailles du globe, et s’élevant aussi haut qu’elles peuvent, lorsqu’elles ne trouvent plus à monter davantage, rétrogradent et se roulent sur elles-mêmes ; et comme la lutte des deux courants d air opposés repousse violemment les obstacles, soit que les vents se trouvent renfermés, soit qu’ils fassent effort pour fuir par un étroit passage, il y a alors secousse et fracas. » De la même école est Straton, lequel a cultivé surtout cette branche de la philosophie et exploré la nature. Voici comment il se prononce : « Le froid et le chaud se contrarient toujours et ne peuvent demeurer ensemble ; le froid passe à l’endroit que le calorique abandonne ; et réciproquement la chaleur revient quand le froid est chassé. » Ceci est incontestable : quant à l’antipathie des deux principes, je la prouve ainsi. En hiver, quand le froid règne sur la terre, les puits, les cavernes, tous les lieux souterrains sont chauds, parce que la chaleur s’y est réfugiée, cédant au froid l’empire du dehors ; quand cette chaleur a pénétré, s’est accumulée sous terre autant qu’elle a pu, sa puissance est en raison de sa densité. Une nouvelle chaleur survient qui, forcément associée à celle-ci, pèse sur elle et lui fait quitter la place. En revanche, même chose a lieu si une couche de froid plus puissante pénètre dans les cavernes. Toute la chaleur qu’elles recelaient se retire, se resserre et s’échappe impétueusement ; ces deux natures ennemies ne pouvant ni faire alliance, ni séjourner en même lieu. Ainsi mise en fuite et voulant sortir à toute force, la chaleur écarte et brise tout ce qui l’avoisine ; voilà pourquoi, avant les commotions terrestres, on entend les