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LIVRE V.

mantes, pareils à nos lacs, et au-dessus desquels la terre, loin de s’affaisser, se dégageait, se prolongeait en voûte, spectacle qui les lit frissonner. J’ai lu ce récit avcc un bien vif intérêt. J’ai vu par là que les vices de notre siècle ne sont pas d’hier, mais remontent, par une déplorable tradition, aux temps les plus reculés, et que ce n’est pas de nos jours seulement que l’avidité, fouillant les veines de la terre et des rochers, y chercha ce que leurs ténèbres nous cachaient mal. Nos ancêtres aussi, héros dont nous célébrons les louanges, dont nous gémissons d’avoir dégénéré, ont, dans un cupide espoir, coupé des montagnes, ont vu le gain sous leurs pieds et des roches croulantes sur leurs têtes. Avant le Macédonien Philippe, il s’est trouvé des rois qui, poursuivant l’or jusque dans les plus profonds abîmes, et renonçant à l’air libre, s’enfonçaient dans ces gouffres où n’arrive plus rien qui distingue le jour de la nuit, et laissaient loin derrière eux la lumière. Quel était donc ce grand espoir ? Quelle impérieuse nécessité a courbé, a enfoui l’homme, fait pour regarder les cieux ? Qui l’a pu plonger au sein même et dans les entrailles du globe pour en exhumer l’or non moins dangereux à poursuivre qu’a posséder ? C’est pour de l’or qu’il a creusé ces longues galeries, qu’il a rampé dans les boues autour d’une proie incertaine, qu’il a oublié le soleil, oublié cette belle nature dont il s’exilait ! Sur quel cadavre la terre pèse-t-elle autant que sur ces malheureux jetés par l’impitoyable avarice sous ces masses gigantesques, déshérités du ciel, ensevelis dans les profondeurs qui recèlent ce poison fatal ? Ils ont osé descendre au milieu d’un ordre de choses si nouveau pour eux, sous ces terres suspendues ; des vents qui soufflaient au loin dans le vide, d'effrayantes sources dont les eaux ne coulaient pour personne, une épaisse et éternelle nuit, ils ont tout bravé, et ils craignent encore les enfers2 !

XVI. Mais je reviens à la question qui m’occupe. Quatre vents se partagent les quatre points du ciel, le levant, le couchant, le midi et le septentrion. Tous les autres, qu’on appelle de tant de noms divers, se rattachent à ces vents principaux.

Sur le tiède rivage où va mourir le jour
Souffle le doux Zéphyre ; et Borée à son tour
Fait frissonner le Nord, envahit la Scythie ;
Eurus a l’Orient, la Perse, l’Arabie ;
Et l’orageux Midi doit la pluie à l’Auster[1].

  1. Ovidt, Métam. : I, 64.