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LIVRE V.

nents. On peut croire qu’il en est de même des ouragans : ils durent peu, tant qu’ils soufflent seuls ; mais dès qu’ils ont associé leurs forces, et que l’air, chassé de plusieurs points de l’atmosphère, se ramasse sur un seul, ils y gagnent plus de fougue et de persistance.

XIII. Un nuage qui se dissout produit donc du vent ; or, il se dissout de plusieurs manières : ce globe de vapeurs est crevé quelquefois par les efforts d’un air enfermé qui cherche à sortir, quelquefois par la chaleur du soleil, ou par celle que déterminent le choc et le frottement de ces masses énormes. Nous pouvons, si tu le veux, examiner ici comment se forment les tourbillons. Tant qu’un fleuve coule sans obstacle, son cours est uniforme et en droite ligne. S’il rencontre un rocher qui s’avance du rivage dans son lit, ses eaux rebroussent faute de passage, et se replient circulairement. Elles tournent ainsi et s’absorbent sur elles-mêmes : le tourbillon est formé. De même le vent, tant que rien ne le contrarie, déploie ses forces droit devant lui. Repoussé par quelque promontoire, ou resserré par le rapprochement de deux montagnes dans la courbure d’un canal étroit, il se roule sur lui-même à plusieurs reprises, et forme un tourbillon semblable à ceux qu’on voit dans les fleuves, comme nous venons de le dire. Ce vent donc, mû circulairement, qui tourne autour du même centre, et s’irrite par son propre tournoiement, s’appelle tourbillon. Avec plus de fougue et plus de durée dans sa circonvolution, il s’enflamme et devient ce que les Grecs nomment prester : c’est le tourbillon de feu. Ces tourbillons sont presque aussi dangereux que le vent qui s’échappe des nuages ; ils emportent les agrès des vaisseaux, ils soulèvent tout un navire dans les airs. Il y a des vents qui en engendrent de tout différents d’eux, et qui chassent et dispersent l'air en des courants tout autres que ceux qu’ils affectent eux-mêmes. Et, à ce propos, une réflexion se présente à moi. De même que la goutte d’eau qui déjà penche et va tomber, ne tombe toutefois que lorsque plusieurs s’ajoutent à elle et la renforcent d’un poids qui enfin la détache et la précipite ; de même, tant que les mouvements de l’air sont légers et répartis sur plusieurs points, il n’y a pas encore de vent ; le vent ne commence qu’à l’instant où toutes ces tendances partielles se confondent en un seul essor. Le souffle et le vent ne diffèrent que du plus au moins. Un souffle considérable s’appelle vent ; le souffle proprement dit est un léger écoulement d’air.

XIV. Reprenons ce que j’ai dit en premier lieu. Il y a des