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QUESTIONS NATURELLES.

à lui une partie de l’atmosphère et repousse l’autre. C’est ainsi que l’haleine des vents étésiens tempère l’été, et nous protège contre la chaleur accablante des mois les plus brûlants. »

XI. Maintenant, comme je l’ai promis, expliquons pourquoi ces vents ne sont d’aucun secours et ne fournissent aucune preuve à la cause que je combats. Nous disons que l’aurore éveille le souffle du vent, qui baisse sitôt que l’air a été touché du soleil : or, les gens de mer nomment les étésiens dormeurs et paresseux, attendu, comme dit Gallion, qu’ils ne sauraient se lever matin ; ils ne font acte de présence qu’à l’heure où les vents les plus opiniâtres ont cessé, ce qui n’arriverait pas si le soleil les paralysait comme les autres. Ajoute que, s’ils avaient pour cause la longueur du jour et sa durée, ils souffleraient avant le solstice, temps où les jours sont le plus longs et la fonte des neiges le plus active ; car, au mois de juillet, la terre est tout à fait découverte, ou du moins fort peu d’endroits sont encore cachés sous la neige.

XII. Certains vents sortent de nuages qui crèvent et se dissolvent en s’abaissant ; les Grecs les appellent Ecnéphies. Voici, je pense, le mode de leur formation : l’évaporation terrestre jette dans les airs une quantité de corpuscules hétérogènes et d’inégales dimensions, les uns secs, les autres humides. Quand toutes ces matières antipathiques et qui luttent entre elles sont réunies en un même ensemble, il est vraisemblable qu’il se forme des nuages creux, entre lesquels s’établissent des intervalles cylindriques, étroits comme le tuyau d’une flûte. Dans ces intervalles est enfermé un air subtil, qui aspire à s’étendre plus au large dès qu’un passage obstrué le comprime, l’échauffe et ainsi le dilate ; alors il déchire son enveloppe, il s’élance : c’est un vent rapide, orageux presque toujours, vu la hauteur dont il descend et l’énergie, la fougue que lui donne sa chute. Car il n’est pas libre ni dégagé dans sa course ; il est contraint, il lutte et s’ouvre de force une route. D’ordinaire cette fureur dure peu. Comme il a brisé les nuages qui lui servaient de retraite et de prison, il arrive avec impétuosité, accompagné quelquefois du tonnerre et de la foudre. Ces sortes de vents sont beaucoup plus forts et durent davantage, quand ils absorbent dans leur cours d’autres vents issus des mêmes causes, et que plusieurs n’en font qu’un seul. Ainsi les torrents n’ont qu’une grandeur médiocre tant qu’ils courent isolés ; mais le grand nombre de cours d’eau qu’ils s’approprient les rend plus considérables que des fleuves réglés et perma-