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QUESTIONS NATURELLES.

cessibles abris. Et c’est pour l’eau chose facile ; sa hauteur serait celle du globe, si l’on tenait compte des points où elle est le plus élevée. Le niveau des mers s’égalise, comme aussi le niveau général des terres. Partout les lieux creux et plans sont les plus bas. Or, c’est cela même qui régularise la rondeur du globe, dont font partie les mers elles-mêmes, et elles contribuent pour leur part à l’égale inclinaison de la sphère. Mais, comme dans la campagne les pentes graduées échappent à la vue, de même les courbures de la mer sont inaperçues, et toute la surface visible paraît plane, quoique étant de niveau avec le continent. Aussi, pour déborder, n’a-t-elle pas besoin d’un énorme exhaussement ; il lui suffit, pour couvrir un niveau que le sien égale, de s’élever quelque peu ; et ce n’est pas aux bords, mais au large où le liquide est amoncelé, que le flux commence. Ainsi, tout comme la marée équinoxiale, dans le temps de la conjonction du soleil et de la lune, est plus forte que toutes les autres, de même celle-ci, envoyée pour envahir la terre, l’emporte sur les plus grandes marées ordinaires, entraîne plus d’eaux avec elle ; et ce n’est qu’après avoir dépassé la cime des monts qu’elle doit couvrir, qu’enfin elle rétrograde. Sur certains points, la marée s’avance jusqu’à cent milles, sans dommage et d’un cours régulier ; car alors c’est avec mesure qu'elle croît et décroît tour à tour. Au jour du déluge, ni lois ni frein n’arrêtent ses clans. Quelles raisons à cela ? diras-tu. Les mêmes qu’à la future conflagration du monde. Le déluge d’eau ou de feu arrive lorsqu’il plaît à Dieu de créer un monde meilleur et d’en finir avec l’ancien. L’eau et le feu soumettent la terre à leurs lois ; ils sont agents de vie et instruments de mort. Lors donc que le renouvellement de toutes choses aura été résolu, ou la mer, ou des flammes dévorantes seront déchaînées sur nos têtes, selon le mode de destruction qui sera choisi.

XXIX. D’autres y joignent les commotions du globe qui déchirent le sol et découvrent des sources nouvelles d’où jaillissent des fleuves, tels qu’en doivent vomir des réservoirs jusqu’alors intacts. Bérose, traducteur de Bélus, attribue ces révolutions aux astres, et d’une manière si affirmative, qu’il fixe l’époque de la conflagration et du déluge. « Le globe, dit-il, prendra feu quand tous les astres, qui ont maintenant des cours si divers, se réuniront sous le Cancer, et se placeront de telle sorte les uns sous les autres, qu’une ligne droite pourrait traverser tous leurs centres. Le déluge aura lieu quand toutes ces constellations seront rassemblées de même sous le Capricorne.