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LIVRE II.

ou, comme dit Virgile,

 Que des monts mugissants
Neuf sources à la fois lancent leurs flots puissants,
Mer grondante, qui presse une campagne immense[1];


ou, comme je le trouve dans tes écrits mêmes, mon cher Junior,

Qu’un fleuve de l’Élide en Sicile soit né[2];


par quel moyen ces eaux sont-elles fournies à la terre ? Où tant de fleuves immenses alimentent-ils jour et nuit leurs cours ? Pourquoi quelques-uns grossissent-ils en hiver ? pourquoi d’autres s’enflent-ils à l’époque où le plus grand nombre baisse ? En attendant, nous mettrons le Nil hors de ligne : il est d’une nature spéciale et exceptionnelle ; nous ajournerons ce qui le concerne, pour traiter en détail des eaux ordinaires, tant froides que chaudes, et à l’occasion de ces dernières, nous chercherons si leur chaleur est naturelle ou acquise. Nous nous occuperons aussi de celles qu’ont rendues célèbres ou leur saveur ou une vertu quelconque. Car il en est qui sont bonnes pour les yeux, d’autres pour les nerfs ; il en est qui guérissent radicalement des maux invétérés et dont les médecins désespéraient ; quelques-unes cicatrisent les ulcères ; celles-ci, prises en boisson, fortifient les organes intérieurs et soulagent les affections du poumon et des viscères ; celles-là arrêtent les hemorrhagies : elles sont aussi variées dans leurs effets que dans leurs saveurs.

II. Les eaux sont toutes ou stagnantes ou courantes, réunies par masses ou distribuées en filets. On en voit de douces ; on en voit de natures tout autres, d’âcres parfois, de salées, d’amères et de médicinales ; dans ces dernières nous rangeons les sulfureuses, les ferrugineuses, les alumineuses : la saveur indique la propriété. Elles ont encore de nombreuses différences, qu’on reconnaît au toucher : elles sont froides ou chaudes ; au poids : elles sont pesantes ou légères ; à la couleur : elles sont pures ou troubles, ou azurées, ou transparentes ; enfin, à la salubrité : elles sont saines, salutaires, ou mortelles, ou pétrifiables. Il y en a d’extrêmement légères ; il y en a de grasses ; les unes sont nourrissantes, les autres passent sans soutenir le corps ; d’autres procurent la fécondité.

  1. Enéide, I, 245.
  2. Dans son poëme de l’Etna.