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QUESTIONS NATURELLES.

L. Combien était plus simple la division d’Attalus, cet homme remarquable, qui à la science des Étrusques avait joint la subtilité grecque ! « Parmi les foudres, disait-il, il en est dont les pronostics nous regardent ; il en est sans aucun pronostic, ou dont l’intelligence nous est interdite. Les foudres à pronostics sont ou propices ou contraires ; quelques-unes ne sont ni contraires, ni propices. Les contraires sont de quatre sortes. Elles présagent des maux inévitables ou évitables, qui peuvent ou s’atténuer ou se différer. Les foudres propices annoncent des faits ou durables ou passagers. Il y a, dans les foudres qu’il appelle mixtes, du bien et du mal, ou du mal qui se change en bien, ou du bien qui se tourne en mal. Celles qui ne sont ni contraires, ni propices, annoncent quelque entreprise où nous devrons nous engager sans crainte ni joie, telle qu’un voyage dont nous n’aurions rien à redouter, rien à espérer. »

LI. Revenons aux foudres à pronostics, mais à pronostics qui ne nous touchent point : telle est celle qui indique si, dans la même année, il y aura une foudre de la même nature. Les foudres sans pronostic, ou dont l’intelligence nous échappe, sont, par exemple, celles qui tombent au loin dans la mer et dans les déserts, et dont le pronostic est nul ou perdu pour nous.

LII. Ajoutons quelques observations sur la force de la foudre, qui n’agit pas de la même manière sur tous les corps. Les plus solides, ceux qui résistent, sont brisés avec éclat ; et parfois elle traverse sans dommage ceux qui cèdent. Elle lutte contre la pierre, le fer et les substances les plus dures, obligée qu’elle est de s’y faire un chemin de vive force. Quant aux substances tendres et poreuses, elle les épargne, quelque inflammables qu’elles paraissent d’ailleurs ; le passage étant plus facile, sa violence est moindre. Ainsi, comme je l’ai dit, sans endommager la bourse, elle fond l’argent qui s’y trouve ; vu que ses feux, des plus subtils, traversent des pores même imperceptibles. Mais les parties solides du bois lui opposent une matière rebelle dont elle triomphe. Elle varie, je le répète, dans ses modes de destruction ; la nature de l’action se révèle par celle du dommage, et l’on reconnaît le genre de foudre à son œuvre. Quelquefois elle produit sur divers points du même corps des effets divers : ainsi, dans un arbre, elle brûle les parties les plus sèches, rompt et perfore les plus solides et les plus dures, enlève l’écorce du dehors, déchire et met en pièces l’écorce intérieure, et enfin froisse et crispe les feuilles. Elle congèle le vin, elle fond le fer et le cuivre,