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LIVRE II.

phère. Dans les cas dont il est ici question, il se forme des nuages plus compactes et plus denses qu’un simple tissu de vapeurs. Celui-ci peut se briser avec retentissement ; mais les phénomènes cités plus haut et qui remplissent l’air d’incendies qui le vaporisent, ou de vents qui balayent au loin le sol, nécessairement produisent le nuage avant le son. Or, le nuage peut se former d’éléments secs comme d’éléments humides, puisqu’il n’est, avons-nous dit, que la condensation d’un air épais.

XXXI. Au reste, pour l’observateur, les effets de la foudre sont merveilleux, et ne permettent pas de douter qu’il n’y ait dans ce météore une énergie surnaturelle, inappréciable à nos sens1. Elle fond l’argent dans une bourse qu’elle laisse intacte et sans l’endommager ; l’épée se liquéfie dans le fourreau demeuré entier, et le fer du javelot coule en fusion le long du bois qui n’est pas touché. Les tonneaux se brisent sans que le vin s’écoule : mais cette consistance du liquide ne dure que trois jours. Un fait à remarquer encore, c’est que les hommes et les animaux que la foudre a frappés ont la tête tournée vers l’endroit d’où elle est sortie, et que les rameaux des arbres qu’elle a renversés se tiennent droits, dirigés dans le même sens. Enfin, les serpents et les autres animaux, dont le venin est mortel, une fois atteints par la foudre, perdent toute propriété malfaisante. D’où le savez-vous ? me dira-t-on. C’est que dans les cadavres saturés de poison il ne naît pas de vers, et qu’au cas dont je parle, les vers pullulent au bout de quelques jours.

XXXII. Que dirons-nous de la vertu qu’a la foudre de pronostiquer, non pas un ou deux faits à venir, mais souvent l’ordre et la série entière des destins, et cela en caractères non équivoques, bien plus frappants que s’ils étaient écrits ? Or, voici en quoi nous ne sommes pas d’accord avec les Toscans, consommés dans l’interprétation de ces phénomènes. Selon nous2, c’est parce qu’il y a collision de nuages, que la foudre fait explosion ; selon eux, il n’y a collision que pour que l’explosion se fasse. Comme ils rapportent tout à Dieu, ils sont persuadés, non que les foudres annoncent l’avenir parce qu’elles sont formées, mais qu’elles sont formées parce qu’elles doivent annoncer l’avenir. Au reste, elles se produisent de la même manière, que le pronostic en soit la cause ou la conséquence. Mais comment la foudre présage-t-elle l’avenir, si ce n’est pas Dieu qui l’envoie ? Comment les oiseaux, qui n’ont pas pris tout exprès leur vol pour s’offrir à nos yeux, donnent-ils des auspices favorables ou contraires ? C’est encore Dieu, disent