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QUESTIONS NATURELLES.

serait foudre, si elle avait plus d’énergie. Ce n’est point la nature de ces deux météores qui diffère, c’est leur degré d’impétuosité. La foudre est du feu ; c’est ce que prouve la chaleur qui l’accompagne ; et, à défaut de chaleur, c’est ce que prouveraient ses effets ; car souvent la foudre a causé de vastes incendies. Elle a consumé des forêts, des rues entières dans nos villes ; quelquefois même ce qu’elle n’a pas frappé n’en porte pas moins une empreinte de feu, d’autres fois comme une teinte de suie. Que dirai-je de l’odeur sulfureuse qu’exhalent tous les corps foudroyés ? Il est donc constant que la foudre et l’éclair sont du feu, et qu’ils ne diffèrent l’un de l’autre que par le chemin qu’ils parcourent. L’éclair est la foudre qui ne descend pas jusqu’au globe ; et réciproquement on peut dire : la foudre est l’éclair qui vient toucher le globe. Ce n’est pas comme vain exercice de mots que je prolonge cette distinction, c’est pour mieux prouver l’affinité, la parité de caractère et de nature des deux phénomènes. La foudre est quelque chose de plus que l’éclair ; retournons la phrase : l’éclair est à peu de chose près la foudre.

XXII. Puisqu’il est établi que tous deux sont des substances ignées, voyons comment le feu s’engendre parmi nous, car il s’engendre de même dans les régions célestes. Le feu, sur la terre, naît de deux façons : d’abord par la percussion, quand on le fait jaillir de la pierre ; puis par le frottement, comme celui qui s’opère avec des morceaux de bois. Toute espèce de bois pourtant n’est pas propre à donner ainsi du feu : c’est la propriété de quelques-unes comme du laurier, du lierre, et de certaines autres connues des bergers pour cet usage. Il peut donc se faire que les nuages s’enflamment de même, ou par percussion, ou par frottement. Vois avec quelle force s’élancent les tempêtes, avec quelle impétuosité se roulent les tourbillons. Tout ce que le fléau trouve sur son passage est fracassé, emporté, dispersé au loin. Faut-il s’étonner qu’une telle force fasse jaillir du feu, ou de matières étrangères, ou d’elle-même ? On conçoit quelle intensité de chaleur doivent éprouver les corps qu’elle froisse dans sa course. Toutefois, on ne saurait attribuer à ces météores une action aussi énergique qu’aux astres, dont la puissance est non moins grande qu’incontestée.

XXIII. Peut-être aussi des nuages poussés contre d’autres nuages par l’impulsion légère d’un vent qui fraîchit doucement, produisent un feu qui luit sans éclater ; car il faut