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QUESTIONS NATURELLES.

tion des étoiles filantes, que peut-être quelques parties de l’air attirent à elles le feu des régions supérieures, et s’enflamment ainsi par le contact. Mais bien autre chose est de dire que le feu tombe de l’éther contre sa tendance naturelle, ou de vouloir que de la région ignée la chaleur passe aux régions inférieures et y excite un embrasement : car le feu ne tombe pas de l’éther, chose impossible, il se forme dans l’air même. Ne voyons-nous pas dans nos villes, lorsqu’un incendie se propage au loin, des bâtiments isolés, longtemps échauffés, prendre feu d’eux-mêmes ? Il est donc vraisemblable que la région supérieure de l’air, qui a la propriété d’attirer le feu à elle, s’allume sur quelque point par la chaleur de l’éther placé au-dessus ; nécessairement entre la couche inférieure de l’éther et la couche supérieure de l’air, il existe quelque analogie, et de l'un à l’autre il n’y a pas dissemblance, parce qu’il ne s’opère point de transition brusque dans la nature. Au point de contact le mélange des deux qualités se fait insensiblement, de sorte qu’on ne saurait dire où l’air commence et où l’éther finit.

XV. Quelques stoïciens estiment que l’air, pouvant se convertir en feu et en eau, ne tire point d’une source étrangère de nouveaux éléments d’inflammation, vu qu’il s’allume par son propre mouvement ; et lorsqu’il brise les parois épaisses et compactes des nuages, il faut bien que l’explosion de ces grands corps soit accompagnée d’un bruit qui s’entende au loin. Or, cette résistance des nuages, qui cèdent difficilement, contribue à rendre le feu plus énergique, tout comme la main aide le fer à couper, quoique ce soit le fer qui coupe.

XVI. Mais quelle différence y a-t-il entre l’éclair et la foudre ? La voici : l’éclair est un feu largement développé ; la foudre, un feu concentré et lancé impétueusement. S’il nous arrive de remplir d’eau le creux de nos mains réunies, puis de les serrer vivement, le fluide en jaillit comme d’un siphon. Quelque chose de semblable se produit dans l’atmosphère. Figure-toi que des nuages étroitement comprimés entre eux l’air interposé s’échappe et s’enflamme par le choc, chassé qu’il est comme par une machine de guerre. Nos balistes même et nos scorpions ne lancent les traits qu’avec bruit.

XVII. Quelques-uns pensent que c’est l’air qui, en traversant des nuages froids et humides, rend un son, comme le fer rouge qui siffle quand on le plonge dans l’eau. De même donc que le métal incandescent ne s’éteint qu’avec un long frémissement ; ainsi, dit Anaximène, l’air qui s’engouffre dans la nue produit