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LIVRE II.

hautes, est un obstacle entre l’air et nous, mais non entre ses molécules ; elle ne nous ferme que les voies par où nous aurions pu le suivre.

X. L’air traverse les corps même qui le divisent, et non-seulement il se répand et reflue autour des milieux solides, mais ces milieux sont même perméables pour lui : il s’étend depuis l’éther le plus diaphane jusqu’à notre globe ; plus mobile, plus délié, plus élevé que la terre et que l’eau, il est plus dense et plus pesant que l’éther. Froid par lui-même et sans clarté, la chaleur et la lumière lui viennent d’ailleurs. Mais il n’est pas le même dans tout l’espace qu’il occupe ; il est modifié par ce qui l’avoisine. Sa partie supérieure est d’une sécheresse et d’une chaleur extrêmes, et par cette raison raréfiée au dernier point, à cause de la proximité des feux éternels, et de ces mouvements si multipliés des astres, et de l’incessante circonvolution du ciel. La partie de l’air la plus basse et la plus proche du globe est dense et nébuleuse, parce qu’elle reçoit les émanations de la terre. La région moyenne tient le milieu, si on la compare aux deux autres, pour la sécheresse et la ténuité ; mais elle est la plus froide des trois. Car la région supérieure se ressent de la chaleur et du voisinage des astres ; la région basse aussi est attiédie d’abord par les exhalaisons terrestres, qui lui apportent beaucoup d’éléments chauds, puis par la réflexion des rayons solaires qui, aussi haut qu’ils peuvent remonter, adoucissant sa température doublement réchauffée ; enfin, au moyen de l’air même expiré par les animaux et les végétaux de toute espèce, lequel est empreint de chaleur, puisque sans chaleur rien ne saurait vivre. Joins à cela les feux artificiels et visibles, et ceux qui, couvant sous la terre, font parfois éruption, ou brûlent incessamment loin de tout regard dans leurs innombrables et mystérieux foyers. Ajoute les émanations de tant de pays fertiles, qui doivent avoir une certaine chaleur, le froid étant un principe de stérilité, et la chaleur, de reproduction. Il s’ensuit que la moyenne partie de l’air, soustraite à ces influences, garde la température froide, puisque, de sa nature, l’air est froid.

XI. De ces trois régions de l’air, l’inférieure est la plus variable, la plus inconstante, la plus capricieuse. C’est dans le voisinage du globe que l’air est le plus agissant, comme aussi le plus passif, qu’il cause et éprouve le plus d’agitation, sans toutefois qu’il soit affecté partout de la même manière : son état change selon les lieux ; l’oscillation et le