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QUESTIONS NATURELLES.

sant ; il les sépare comme intermédiaire ; il les unit, puisque par lui tous deux se communiquent. Il transmet plus haut tout ce qu’il reçoit de la terre, et réciproquement rend à la terre les influences sidérales. Je dis que l’air est partie du monde, de même que les animaux et les plantes, lesquels font partie de l’univers, puisqu’ils entrent comme compléments dans le grand tout, et que l’univers n’existe pas sans eux. Mais un seul animal, un seul arbre, n’est qu’une quasi-partie ; car il a beau périr, l’univers d’où il disparaît, reste entier. L’air, comme je le disais, est cohérent au ciel ainsi qu’à la terre : il est inné dans l’un comme dans l’autre. Or, l’unité appartient à tout ce qui fut créé partie essentielle d’une chose ; car rien ne reçoit l’être sans unité.

V. La terre est l’une des parties du monde et l’un de ses matériaux. Pourquoi en est-elle une partie ? C’est, je pense, ce que tu ne demanderas pas ; autant vaudrait demander pourquoi le ciel en est une. C’est qu’en effet l’univers n’existerait pas plus sans l’une que sans l’autre ; l’univers existant au moyen des choses qui, comme le ciel et la terre, fournissent les aliments que tous les animaux, toutes les plantes et tous les astres se partagent. C’est de là que tous les individus tirent leur force, et le monde de quoi satisfaire à ses innombrables besoins ; de là provient ce qui nourrit ces astres si nombreux, si actifs, si avides, qui, nuit et jour à l’œuvre, se repaissent aussi constamment ; c’est là que la nature puise ce qu’exige l’entretien de toutes ses parties. Le monde s’est fait sa provision pour l’éternité. Je vais te donner en petit l’analogue de cet immense phénomène : un œuf renferme autant de liquide qu’il en faut pour la formation de l’animal qui doit éclore.

VI. L’air est contigu à la terre : la juxtaposition est telle, qu’il occupe à l’instant l’espace qu’elle a quitté. Il est une des parties du monde ; et néanmoins tout ce que la terre transmet d’aliments aux astres, il le reçoit[1], et sous ce rapport doit être compté comme l’un des matériaux, non comme partie du grand tout. De là son extrême inconstance et ses bruyantes agitations. Quelques-uns le composent de molécules distinctes, comme la poussière, ce qui s’éloigne infiniment du vrai. Car jamais corps composé ne peut faire effort que par l’unité de ses parties, qui toutes doivent concourir à lui donner du ressort en mettant leur force en commun. Mais l’air, s’il était morcelé

  1. In alimentumc cœlestium misit, tous les Mss. Lemaire rejette cœlestium.