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LIVRE I.

sion, ils rentrent dans l’histoire de la terre, et sont rejetés à la troisième partie. Mais quand on se demande quelle est la situation de la terre ; en quel endroit de l’univers elle s’est fixée ; comment elle s’est mise en regard des astres et du ciel ; cette question remonte à la première partie, et mérite, pour ainsi parler, une place plus honorable.

II. Maintenant que j’ai parlé des divisions entre lesquelles se partage l’ensemble de la nature, je dois avancer quelques faits généraux, et tout d’abord ce principe, que l’air est du nombre des corps doués d’unité. Pourquoi ai-je dû débuter par ce principe ? Tu le sauras, quand, reprenant les choses de plus haut, j’aurai distingué les corps continus des corps connexes. La continuité est l’union non interrompue des parties entre elles. L’unité est la continuité sans contiguïté, le contact de deux corps juxtaposés. N’est-il pas vrai que parmi les corps que l’on voit et que l’on touche, doués de sensations ou agissant sur les nôtres, il en est de composés ? Or, ils le sont par contexture ou par coacervation ; par exemple, une corde, un monceau de blé, un navire. Il en est de non composés, comme un arbre, une pierre. Il faut donc accorder que des corps même qui échappent à nos sens et ne se laissent saisir que par la pensée, quelques-uns sont doués de l’unité. Vois combien je ménage ton oreille ; je pouvais me tirer d’affaire en employant le terme philosophique corps un ; puisque je t’en fais grâce, paye-moi de retour. Qu’est-ce à dire ? Que si je me sers du mot un, tu te rappelles que je le rapporte non pas au nombre, mais à la nature du corps qui, sans aucune aide extérieure, a l’unité de cohésion. Lair est un corps de cette espèce.

III. Le monde embrasse tous les corps qui sont ou peuvent devenir l’objet de nos connaissances. Les uns font partie du monde, les autres sont des matériaux mis en réserve. Toute la nature a besoin de matériaux, de même que tout art manuel. Ainsi, pour éclaircir ma pensée, j’appelle parties de notre corps les mains, les os, les nerfs, les yeux ; et matériaux, les sucs alimentaires qui doivent se distribuer dans ces parties. Le sang à son tour est comme partie de nous-mêmes, bien qu’il soit compté parmi les matériaux, comme servant à former les autres parties, et n’en est pas moins l’une des substances dont le corps entier se compose.

IV. C'est ainsi que l’air est une partie du monde, une partie nécessaire. Car c’est l’air qui joint la terre et le ciel. Il sépare les hautes régions des régions inférieures, mais en les unis-