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LIVRE I.

alors des corpuscules ignés, couvés près de la terre par un air condensé qui les fait jaillir jusqu’à la région des astres. Il en est qui ne peuvent durer ; ils passent, ils s’éteignent à l’instant presque où ils s’allument. Voilà les fulgores proprement dits, parce que leur apparition est courte et fugitive, et qu’ils sont dangereux dans leur chute, aussi désastreuse parfois que celle de la foudre. Ils frappent des maisons, que les Grecs désignent sous le nom d’astrapoplecta. Ceux dont la flamme a plus de force et de durée, qui suivent ou le mouvement du ciel, ou une marche qui leur est propre sont regardés par nos stoïciens comme des comètes ; nous en parlerons plus tard. De ce genre sont les pogonies, les lampes, les cyparisses, et tout corps qui se termine par une flamme éparse. On doute si l’on doit ranger dans cette classe les poutres et les pithies, dont l’apparition est fort rare, et qui exigent une grande agglomération de feux pour former un globe souvent plus gros que n’est le disque du soleil levant. On peut rapporter au même genre ces phénomènes fréquemment cités dans l’histoire, tels qu’un ciel tout en feu, où l’embrasement parfois s’élève si haut qu’il semble se confondre avec les astres, et parfois s’abaisse tellement qu’il offre l’aspect d’un incendie lointain. Sous Tibère, des cohortes coururent au secours de la colonie d’Ostie, qu’elles croyaient en feu, trompées par un météore de cette sorte qui, pendant une grande partie de la nuit, jeta la lueur sombre d’une flamme épaisse et fuligineuse. Nul ne met en doute la réalité des flammes qu’on aperçoit alors ; bien certainement ce sont des flammes. Il y a contestation pour les météores dont j’ai parlé plus haut, je veux dire l’arc-en-ciel et les couronnes. Sont-ce des illusions d’optique et de fausses apparences, ou doit-on y voir des réalités ? À notre avis, les arcs et les couronnes n’ont effectivement point de corps, tout comme en un miroir nous ne voyons rien que simulacre et mensonge dans les représentations de l’objet extérieur. Car le miroir ne renferme pas ce qu’il montre ; autrement cette image n’en sortirait point, et ne serait pas effacée à l’instant par une autre ; on ne verrait pas des formes innombrables paraître et s’évanouir tour à tour. Que conclure de là ? Que ce sont des représentations, des imitations vaines d’objets réels. Même certains miroirs sont construits de manière à défigurer ces objets : quelques-uns, comme je l’ai dit ci-dessus, représentent de travers la face du spectateur ; d’autres le grandissent hors de toute mesure, et prêtent à sa personne des proportions surhumaines.