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QUESTIONS NATURELLES.

par leur vitesse incalculable, une longue traînée de feu ; notre vue, trop faible pour distinguer chaque point de leur passage, nous fait croire que toute la ligne parcourue est une ligne de feu. Car la rapidité de leurs mouvements est telle, qu’on ne peut en suivre la succession ; on n’en saisit que l’ensemble. On voit, plutôt l’apparition que la marche du météore ; et s’il semble marquer toute sa route d’un seul trait enflammé, c’est que notre œil trop lent ne peut suivre les divers points de sa course ; nous voyons du même coup d’où, il part et où il est arrivé. Telle nous paraît la foudre : nous croyons qu’elle trace une longue ligne de flamme, parce qu’elle fournit sa course en un clin d’oeil, et que nos regards sont frappés à la fois de tout l’espace qu’elle parcourt dans sa chute. Mais ce corps igné n’occupe pas toute la ligne qu’il décrit ; une flamme allongée et si ténue n’a point d’élan si vigoureux. Mais comment jaillissent ces étoiles ? C’est le frottement de l’air qui les allume, et le vent accélère leur chute ; cependant elles ne proviennent pas toujours de ces deux causes. Parfois l’état de l’atmosphère suffit pour les produire. Les régions supérieures abondent en molécules sèches, chaudes, terreuses, parmi lesquelles ces feux prennent naissance ; c’est en courant après les substances qui les alimentent qu’ils se précipitent avec tant de rapidité. Mais pourquoi sont-ils de diverses couleurs ? Cela tient à la nature de la matière inflammable et à l’énergie du principe qui enflamme. Ces météores présagent le vent, et il vient de la région d’où ils partent.

XV. Tu demandes comment se forment les feux que nous appelons, nous, fulgores, et les Grecs, sela. De plus d’une manière, comme on dit. La violence des vents peut les produire, comme aussi la chaleur de la région éthérée. Car ces feux, qui de là se disséminent au loin, peuvent se porter en bas, s’ils y trouvent des aliments. Le mouvement des astres dans leur cours peut réveiller les principes inflammables et propager l’incendie au-dessous de leur sphère. En un mot, ne peut-il pas arriver que l’atmosphère lance jusque dans l'éther des molécules ignées qui produisent cet éclat, cette flamme ou cette sorte d’étoile excentrique ?De ces fulgores, les uns se précipitent comme des étoiles volantes ; les autres, fixes et immobiles, jettent assez de lumière pour dissiper les ténèbres et donner une sorte de jour, jusqu’à ce que, faute d’aliments, ils s’obscurcissent, et, comme une flamme qui s’éteint d’elle-même, finissent après une constante déperdition par se réduire à rien. Quelquefois ces feux apparaissent dans les nuages, d’autres fois au-dessus : ce sont