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QUESTIONS NATURELLES.

assez d’éclat pour faire l’office d’un miroir, elles ébauchent la ressemblance, elles ne la rendent point ; les images trop rapprochées se confondent et n’offrent plus qu’une seule bande colorée.

VIII. Mais pourquoi l’iris n’est-il pas un cercle complet, et n’en laisse-t-il voir que moitié dans le prolongement si étendu de sa courbe ? Suivant l’opinion de quelques-uns, le soleil étant bien plus élevé que les nuages, et ne frappant qu’à la partie supérieure, la partie inférieure n’est pas atteinte par ses rayons. Et comme ils ne reçoivent le soleil que d’un côté, ils n’en réfléchissent qu’une partie, qui n’excède jamais la moitié. Cette raison est peu concluante ; en effet, le soleil a beau être plus élevé, il n’en frappe pas moins tout le nuage, et par conséquent le colore, puisque ses feux le traversent et le pénètrent dans toute son épaisseur. Ces mêmes auteurs disent une chose qui va contre leur proposition. Car, si le soleil donne d’en haut, et, partant, ne colore que la partie supérieure des nuages, l’arc ne descendra jamais jusqu’à terre. Or, il s’abaisse jusque-là. De plus, l’arc est toujours opposé au soleil, peu importe qu’il soit plus bas ou plus haut ; car tout le côté qui est en face se trouve frappé. Ensuite le soleil couchant produit quelquefois des arcs, et certes c’est le bas du nuage qui est frappé, l’astre rasant la terre[1]. Et pourtant alors il n’y a qu’un demi-cercle, quoique le nuage reçoive le soleil dans sa partie la plus basse et la plus impure. Nos stoïciens, qui veulent que la lumière soit renvoyée par le nuage comme par un miroir, supposent la nue concave et semblable à un segment de sphère, qui ne peut reproduire le cercle entier, n’étant lui-même qu’une partie de cercle. J’admets les prémisses, sans approuver la conclusion. Car, si un miroir concave peut représenter toute la circonférence d’un cercle, rien n’empêche que la moitié de ce miroir ne reproduise un globe entier. Nous avons déjà parlé de cercles qui paraissent autour du soleil et de la lune en forme d’arcs : pourquoi ces cercles sont-ils complets, et ceux de l’iris ne le sont-ils jamais ? Ensuite, pourquoi sont-ce toujours des nuages concaves qui reçoivent le soleil, et non des nuages plans ou convexes ? Aristote dit qu’après l’équinoxe d’automne, l’arc-en-ciel peut se former à toute heure du jour, mais qu’en été il ne se forme qu’au commencement ou au déclin de la journée. La raison en est manifeste. D’abord c’est qu’au milieu du jour, le soleil, dans toute sa chaleur, dissipe les nuages dont les élé-

  1. Je lis avec Fickert : terris propinquus. Lemaire : propinquas.