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LIVRE I.

l’ouragan faiblit et que le vent tombe. Autrement ces feux voltigeraient et ne se reposeraient pas[1]. Gylippe, voguant vers Syracuse, en vit un s’arrêter sur le fer même de sa lance. Dans les camps romains, des faisceaux d’armes parurent s’enflammer de ces étincelles qui venaient les effleurer, et qui souvent frappent comme la foudre les animaux et les arbustes. Lancées avec moins de force, elles ne font que glisser et tomber mollement, sans frapper ni blesser. Elles jaillissent tantôt d’entre les nuages, tantôt d’un air pur, s’il déborde en principes inflammables. Et même ne tonne-t-il pas quelquefois dans le ciel le plus serein, comme il arrive en un temps couvert, par une collision atmosphérique ? L’air, si transparent, si sec qu’il puisse être, est pourtant compressible ; il peut former des corps analogues aux nuages, et qui, choqués, fassent explosion. De là les poutres, les boucliers ardents, les cieux qui semblent tout en feu, lorsque des causes semblables, mais plus actives, agissent sur les mêmes éléments.

II. Voyons maintenant comment se forment les cercles lumineux qui entourent quelquefois les astres. On rapporte que le jour où Auguste revint d’Apollonie à Rome, on vit autour du soleil un cercle empreint des couleurs variées de l’arc-en-ciel. C’est ce que les Grecs nomment Halo et que nous pouvons très-justement appeler Couronne. Voici comme on en explique la formation : qu’on jette une pierre dans un étang, on voit l’eau s’écarter en cercles multipliés, dont le premier, fort rétréci, est successivement enveloppé par d’autres de plus en plus larges, tant qu’enfin l’impulsion se perde et meure dans la plaine immobile des eaux. Il faut supposer dans l’air des effets analogues. Quand ce fluide condensé est susceptible de percussion, les rayons du soleil, de la lune, d’un astre quelconque, le forcent, par leur action, à s’écarter circulairement. L’air, en effet, comme l’eau, comme tout ce qui reçoit une forme d’un choc quelconque, prend celle du corps qui la frappe. Or, tout corps lumineux est sphérique ; donc l’air qui en sera frappé prendra la forme ronde. De là le nom d’Aires donné par les Grecs à ces météores, parce que les lieux destinés à battre le grain sont ronds généralement. Du reste, il n’y a pas la moindre raison de croire que ces cercles, quelque nom qu’on leur donne, se forment dans le voisinage des astres. Ils en sont fort

  1. Je lis avec un manusc. : alioquin ferrentur ignes, non sederent. Lemaire : aliquando feruntur.