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QUESTIONS NATURELLES


LIVRE I.

Étude de Dieu et de la nature, la plus grande de toutes, Météores ignés. Arc-en-ciel. Miroirs. Verges. Parhélies.


PRÉFACE.

Autant il y a de distance, vertueux Lucilius, entre la philosophie et les autres sciences, autant j’en trouve, dans la philosophie même, entre la partie qui s’occupe de l’homme et celle qui a les dieux pour objet. Celle-ci plus relevée, plus aventureuse, s’est permis davantage : les yeux du corps n’ont pu lui suffire ; elle a pressenti quelque chose de plus grand et de plus beau, placé par la nature au delà de nos regards. En un mot il y a de l’une à l’autre philosophie tout l’intervalle de Dieu à l’homme. La première enseigne ce qu’il faut faire ici-bas ; la seconde, ce qui se fait dans le ciel. L’une dissipe nos erreurs, et nous présente le flambeau qui éclaire les voies trompeuses de la vie ; l’autre plane fort au-dessus du brouillard épais où s’agitent les hommes et les arrache aux ténèbres pour les conduire à la source de la lumière. Oui, je rends surtout grâce à la nature, lorsque, non content de ce qu’elle montre à tous, je pénètre dans ses plus secrets mystères ; lorsque je m’enquiers de quels éléments l’univers se compose ; quel en est l’architecte ou le conservateur ; ce que c’est que Dieu ; s’il est absorbé dans sa propre contemplation, ou s’il abaisse parfois sur nous ses regards ; si tous les jours il crée ou s’il n’a créé qu’une fois ; s’il fait partie du monde, ou s’il est le monde même ; si aujourd’hui encore il peut rendre de nouveaux décrets et modifier les lois du destin, ou si ce ne serait pas descendre de sa majesté et s’avouer faillible que d’avoir à retoucher son œuvre. Il doit en