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LETTRES DE SÉNÈQUE À LUCILIUS.

des Parthes, ou tressée en natte comme les Germains, ou toute éparse comme les Scythes, la crinière que secoue le cheval sera toujours plus épaisse que la tienne, celle du lion plus magnifiquement hérissée. Quand tu auras bien appris à courir, tu ne seras pas l’égal du plus chétif lièvre. Rends-toi : renonce à des prétentions où tu as forcément le dessous, car tu aspires à ce qui n’est pas pour toi ; reviens au bien qui t’est propre. Où est-il ? Dans une âme épurée et chaste, émule de la divinité32, dédaignant la terre et ne plaçant hors d’elle-même rien de ce qui la fait ce qu’elle est. Animal raisonnable ! quel est ton bien à toi ? Une raison parfaite. Fais qu’elle arrive à son dernier terme, et s’élève aussi haut qu’elle peut croître. Ne t’estime heureux que le jour où toutes tes joies naîtront de toi-même ; où, parmi ces objets que les mortels s’arrachent, qu’ils convoitent, qu’ils gardent chèrement, nul ne te semblera digne, je ne dis pas de tes préférences, mais du moindre désir. Voici une courte formule qui te doit donner ou la mesure de tes progrès, ou la conscience de ta perfection ; tu jouiras du vrai bien quand tu comprendras que les plus malheureux des hommes, ce sont les heureux33.