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IV
NOTICE SUR LA VIE


et lui donna la forme définitive sous laquelle il nous est parvenu. Mais la constance du philosophe finit par s’épuiser. Polybe l’affranchi, le ministre de Claude, venait de perdre son frère. Sénèque saisit cette occasion pour adresser à Polybe un traité de consolation qui n’était au fond qu’une requête à l’empereur, une demande de rappel où les louanges les plus hyperboliques sont prodiguées au ministre et surtout au maître, et prodiguées en vain. On a voulu nier cet acte de faiblesse ; on a contesté l’authenticité de l’écrit : il suffit de le lire pour y reconnaître toutes les qualités brillantes et l’irrécusable caractère du style de notre auteur. On y voit même souvent, comme un mérite littéraire de plus, quelque chose qui rappelle l’ampleur cicéronienne, et qui ne se retrouve qu’à rares intervalles dans ses ouvrages postérieurs, sauf dans sa Consolation à Marcia et dans le traité de la Clémence. Sénèque resta encore cinq ans dans son exil. Il n’en fut tiré qu’à la mort de son ennemie Messaline, et lors du mariage d’Agrippine avec Claude. « Agrippine, afin de ne pas se signaler uniquement par le mal, obtint pour Sénèque le rappel de l’exil et la dignité de préteur, dans la pensée qu’on y applaudirait généralement à cause de l’éclat des talents de cet homme ; puis elle était bien aise que l’enfance de Néron grandît sous un tel maître, dont les conseils pourraient leur être utiles à tous deux pour arriver à la domination : car on croyait Sénèque dévoué à Agrippine par le souvenir du bienfait, ennemi de Claude par le ressentiment de l’injure[1]. »

À la mort de Claude, il rédigea l’éloge funèbre de ce prince, que, selon l’usage, son successeur Néron devait prononcer. Tant que l’orateur vanta dans Claude l’ancienneté de sa race, les consulats et les triomphes de ses aïeux, l’attention de l’auditoire fut soutenue. On l’entendit encore avec faveur louer ses connaissances littéraires et rappeler que, sous son règne, l’empire n’avait essuyé aucun échec au

  1. Tacite, Annal., XII, XIII. Trad. de Burnouf.