Page:Sénèque - Œuvres complètes, trad. Baillard, tome I.djvu/8

Cette page a été validée par deux contributeurs.
III
ET LES ÉCRITS DE SÉNÈQUE.


« Le stoïcien Attalus vantait l’usage d’un matelas qui résiste ; tel est encore le mien dans ma vieillesse : l’empreinte du corps n’y paraît point. »

À la mort de Caligula, Sénèque avait trente-cinq ans environ. Il brigua la questure et l’obtint au commencement du règne de Claude. Il ouvrit en même temps une école de philosophie et publia quelques écrits parmi lesquels on peut compter le Traité de la colère. Sa réputation s’étendit et lui valut de puissantes amitiés. Messaline, pour se délivrer de Julie, fille de Germanicus, dont elle était jalouse, l’accusa de s’être rendue coupable d’adultère avec Sénèque. Elle obtint de Claude que Julie fût envoyée en exil où elle mourut bientôt, et que Sénèque fût relégué en Corse. Il avait alors trente-neuf ans. Sur la véracité d’une telle accusation portée par une Messaline, le doute demeure au moins permis : si l’adultère avait été prouvé, il n’est pas probable qu’Agrippine, peu d’années après, eût cherché à se rendre populaire en donnant pour gouverneur à l’héritier désigné de Claude un homme qui aurait souillé l’honneur du nom de Germanicus, ce nom toujours si respecté.

Sénèque supporta pendant deux années sa disgrâce avec constance et résignation, s’il faut en croire la lettre qu’il écrivit à sa mère, la Consolation à Helvia. Il s’adonna au travail, à la philosophie, à la poésie, réunit les matériaux de ses Questions naturelles, où il traita les plus hautes parties des connaissances physiques de son temps[1]. Ce livre, publié d’abord à cette époque, il le revit dans sa vieillesse

  1. Un de ses contemporains, l’auteur de la tragédie d’Octavie, met ces vers dans la bouche de Sénèque :

    Que j’étais plus heureux, loin des traits de l’envie,
    Sur ces rochers de Corse où je cachais ma vie !
    Mon esprit, délivré des chaînes des Césars,
    S’occupait de lui-même et cultivait les arts.
    Quel plaisir d’admirer l’œuvre de la nature,
    Du séjour de ses fils l’immense architecture,
    Vous, cieux, plus grands encor, char sacré du soleil !

    (Acte II, v. 368.)