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XXIX
ET LES ÉCRITS DE SÉNÈQUE.


Un autre écrivain, J. de Maistre, rhéteur éloquent aussi et chez qui l’on peut signaler plus d’une affinité avec Rousseau comme avec Sénèque, a dit de ce dernier : « Je ne crois pas que dans les livres de piété on trouve, pour le choix d’un directeur, de meilleurs conseils que ceux qu’on peut lire dans Sénèque. Il y a telle de ses lettres que Bourdaloue et Massillon auraient pu réciter en chaire avec quelques légers changements. » Et il ne peut concevoir que Sénèque ait dû à lui seul ou à personne avant lui ce trésor d’idées et de morale pratique qu’il admire dans ses œuvres. Il rejette, il est vrai, la Correspondance de Sénèque et de saint Paul partout reconnue aujourd’hui pour apocryphe, mais il se tient pour sûr que Sénèque a entendu saint Paul et que de là vient sa supériorité sur tous les moralistes de l’antiquité. Cette thèse a été reprise récemment (1853) et développée en deux volumes par M. Amédée Fleury qui, allant plus loin que de Maistre, cherche à établir que Sénèque a été chrétien. Ce livre, fort érudit d’ailleurs, œuvre d’un zèle pieux qui se paye trop aisément de spécieuses invraisemblances, n’offre qu’une série d’inductions, de conjectures hasardées, mais sincères, que la critique contemporaine n’a pu admettre. L’Académie française, tout en rendant hommage au mérite de l’auteur, a dû écarter ses conclusions. Quant à la Correspondance de l’apôtre avec le philosophe, les seuls pères de l’Église qui en parlent, saint Jérôme et saint Augustin, peu éloignés de l’époque de Sénèque, ne le font que d’une manière dubitative ; et l’on voit dans la Cité de Dieu que saint Augustin ne croyait nullement au christianisme du philosophe, tout comme il ne dit rien des emprunts qu’il aurait pu faire aux livres saints. Tertullien a dit : Seneca sæpe noster, Sénèque qui est souvent des nôtres ; il voit en lui une âme naturellement chrétienne ; pourtant Tertullien comme Lactance, presque contemporains de Néron, ne relatent ni la prétendue correspondance de Sénèque ni sa conversion. Lactance s’exprime même en ces termes : « Que peut-on dire de plus vrai sur Dieu