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APOKOLOKYNTOSE.


Il eût pu vaincre en courant
Dans sa fuite si légère
Le Parthe récalcitrant,
D’une lance meurtrière
larder le Perse défait[1],
Bander l’arc, et d’un seul trait
Jeter l’ennemi par terre,
Ou, dès qu’il se retournait,
Blesser le Mède au derrière.
Dieux ! quel bras, quel coup d’œil sûr !
Au delà de tout rivage,
Vieux Neptune, en vain ta rage
Protégeait leur dernier mur :
Le Brigante aux yeux d’azur[2],
Le Breton subit ses chaînes ;
Il dit, nouveau courtisan,
Devant les haches romaines
Se courba ton Océan,
Pleurez cet esprit d’élite.
Qui jugea mieux et plus vite
Cause importante ou petite,
Sans avoir entendu qu’un
Des plaidants, souvent aucun ?
Après toi toute l’année
Qui donc voudra désormais,
Tant que dure la journée,
Ne rien ouïr que procès ?
Minos te cède la place :
Son peuple muet le chasse
Du tribunal des enfers ;
Et dans sa Crète natale,
Des cent villes qu’elle étale
Il va juger les pervers.
Qu’un long sanglot dans les airs
De vos seins meurtris s’exhale,
Avocats, race vénale,
Et nouveaux faiseurs de vers.
Aux dés, qu’aimait son génie,
Vous dont la chance bénie
Grossissait l’ample trésor,
Pleurez ses beaux écus d’or !

XIII. Claude se délectait à entendre ses louanges : il eût bien voulu regarder plus longtemps. Mais le Talthybius[3]

  1. Fickert : sequi Persida telis. Lemaire : Perfida… n’offre aucun sens.
  2. Fickert : Scotobrigantas. Lemaire : Scuta Brigantas. D’autres : cute.
  3. Nom du héraut ou messager des Grecs devant Troie.