Mais le vers suivant, Homérique aussi, eût été plus vrai :
Dont j’ai détruit les murs, tué les citoyens.
VI. Or il en aurait imposé à Hercule, fort peu malin[1], n’eût été la Fièvre qui seule, désertant son temple, accompagnait Claude ; elle avait laissé tous les autres dieux à Rome. « Cet homme, dit-elle, te conte de pures menteries.Je te dirai, moi qui ai vécu tant d’années avec lui, qu’il est natif de Lyon. Tu vois un bourgeois du municipe de Plancus. Comme je te l’annonce, c’est à seize milles de Vienne qu’il est né : il est franc Gaulois. Aussi, comme un bon Gaulois devait faire, il a pris Rome. Oui, je te le garantis né à Lyon où Licinius a fait le roi nombre d’années. Toi, Hercule, qui as plus battu de pays qu’un muletier qui ne débride jamais, tu dois savoir ton Lyonnais par cœur, et qu’il y a bien des milles entre le Xanthe et le Rhône. »
Ici Claude se fâcha tout rouge et poussa du mieux qu’il le put un grognement de colère. Que disait-il ? Impossible de le comprendre. Du reste, il faisait signe qu’on menât la Fièvre au supplice en levant sa main disloquée, mais assez ferme pour ce geste seul, son geste d’habitude, qui faisait décoller un homme. Il ordonnait donc que l’on coupât le cou à la Fièvre ; mais on eût dit qu’il n’y avait là que ses affranchis, tant nul ne se souciait de ses ordres.
VII. Alors Hercule : « Écoute-moi, et trêve d’impertinences. Te voici dans un pays où les rats rongent le fer[2]. Si tu ne parles vite et franchement, je coupe court à tes billevesées. » Et pour avoir un air plus terrible, prenant le ton tragique :
« Dis quel est ton pays : sois prompt, ou ma colère
D’un seul coup te rejette, et bien mort, sur la terre.
Jadis cette massue écrasa vingt tyrans.
Quoi ? Que bredouilles-tu ? Quels sons incohérents ?
Dénoue enfin les nœuds de ta langue indolente :
De quel sang put sortir cette tête branlante ?
Un jour, dans l’Hespérie, au triple Géryon
J’allai porter la guerre et, par occasion,
Ramenant vers Argos ses taureaux indomptables
Avec de gras troupeaux, l’honneur de ses étables,
Je vis, au pied d’un mont doré par l’Orient,
Deux fleuve réunis en un large torrent.
Là s’étonnent de fuir emportés par le Rhône
Les Sots longtemps muets de la paisible Saône