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XXV
ET LES ÉCRITS DE SÉNÈQUE.


voilà, entre autres sujets principaux, ce qui échauffe et remplit les pages passionnées de Sénèque. Sous les règnes affreux qu’il a vus, sous cette Terreur qui dura pour lui plus d’un quart de siècle, dans cet empire immense où la tyrannie partout présente fermait toute issue à la fuite, quand toute renommée, richesse ou vertu quelconque attirait la haine du maître, la mort volontaire devint comme une nécessité commune aux plus sages. Elle parut du moins la résolution la plus logique. De là encore ces suicides par fantaisie auxquels se livraient beaucoup de contemporains blasés de jouissances. Ceux-là, Sénèque les a flétris (Lettre LXX). La préparation à la mort est l’un de ses textes les plus fréquents. Il y revient si souvent, surtout dans ses lettres à Lucilius, écrites à l’époque de sa retraite des affaires, qu’on y découvre bien vite sa préoccupation personnelle et ses craintes trop fondées du sort que lui réservait Néron. Ainsi s’expliquent ces exhortations à son ami et à lui-même : car tous deux étaient menacés. Mais n’est-il pas touchant, quand on songe à la manière dont il sut mourir, de l’entendre dire dans sa Lettre XXVI : « Je me dispose donc, sans le craindre, à ce jour où, dépouillant tout fard et tout subterfuge, je vais, juge de moi-même, savoir si mon courage est de paroles ou de sentiment ; s’il n’y avait que feintes ou mots de théâtre dans tous ces défis dont j’apostrophais la Fortune. Arrière l’opinion des hommes toujours problématique et partagée en deux camps. Arrière ces études cultivées durant toute ta vie : la mort va prononcer sur toi… J’accepte la condition et n’ai point peur de comparaître. »

Qu’il parle en son nom ou au nom du stoïcisme, la morale de Sénèque respire toujours le spiritualisme le plus élevé. Sur Dieu, sur la Providence, il énonce les idées les plus hautes, les plus chrétiennes même, et au fond pourtant son déisme n’est qu’une sorte de panthéisme. Sur la destinée de l’âme, il en est resté au doute de Cicéron. Tantôt il n’admet ni ne rejette le néant après cette vie ; tantôt il embrasse l’espoir d’une immortalité bienheureuse, et trouve