Page:Sénèque - Œuvres complètes, trad. Baillard, tome I.djvu/15

Cette page a été validée par deux contributeurs.
X
NOTICE SUR LA VIE


Voici ce qu’il dit du rôle que jouèrent Sénèque et Burrhus lors de la mort d’Agrippine, après le naufrage simulé où une première tentative de meurtre échouée avait laissé voir clairement à celle-ci que son fils en était l’auteur : « Néron, éperdu de frayeur, s’écrie que sa mère va venir, avide de vengeance, armer ses esclaves, soulever peut-être les soldats, faire appel au sénat et au peuple, leur dénoncer son naufrage, sa blessure et le meurtre de ses amis ; quel secours lui reste-t-il, à lui, si Burrhus et Sénèque n’avisent à le sauver ? Il les avait mandés en toute hâte ; on ignore si auparavant ils étaient instruits. Tous deux gardèrent un long silence pour ne pas faire de remontrances vaines ; ou croyaient-ils les choses arrivées à ce point extrême que, s’il ne prévenait Agrippine, Néron était perdu ? D’ordinaire plus prompt à s’ouvrir, enfin Sénèque regarda Burrhus et lui demanda si l’on ordonnerait ce meurtre aux soldats. Burrhus répondit que les prétoriens, attachés à toute la maison des Césars et pleins du souvenir de Germanicus, ne se permettraient aucune violence contre sa fille ; qu’Anicet achevât ce qu’il avait promis. Celui-ci, sans balancer, demande à consommer le crime. À cette offre, Néron s’écrie : « D’aujourd’hui l’empire est à moi, et ce magnifique présent, je le tiens de mon affranchi ! (Annal., XIV, VII). » Plus tard, Néron rappelle encore à Anicet que, seul, il avait sauvé la vie du prince des complots d’Agrippine (Ibid., XIV, LXII). Tout ce récit, cette stupéfaction de Sénèque, dont la parole était habituellement si prompte, sa question à Burrhus qu’il savait bien devoir amener une réponse négative, puis l’exclamation finale de Néron, prouvent surabondamment que Burrhus et Sénèque ne furent ni conseillers ni complices du crime. Burrhus seul connaissait le complot ; son mot sur Anicet le prouve, et ce fut d’après son conseil, dit Tacite, que les centurions vinrent après le meurtre consoler et flatter Néron en proie à un

    Julius César contre Pompéius, et d’Antonius contre Cicero. » Montaigne, liv. II, chap. XXIII.