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V
ET LES ÉCRITS DE SÉNÈQUE.


dehors ; mais quand il en vint à la sagesse et à la prévoyance de Claude, personne ne put s’empêcher de rire ; et les convenances officielles, trop obéies par l’orateur, furent oubliées par l’auditoire[1]. Sénèque, à son tour, gardant un souvenir amer de son exil, composa vers le même temps, sur la mort de Claude, l’ingénieuse et piquante parodie de son panégyrique, l’Apokolokyntose, c’est-à-dire l’Apothéose d’une citrouille.

Nous n’entrerons pas dans le détail des actes publics du jeune empereur durant les quatre ou cinq premières années de son règne : l’histoire en fait suffisamment foi. On sait le mot de Trajan : « Le règne d’aucun prince n’égala les cinq premières années de Néron[2]. »

L’histoire ajoute que ces heureux débuts furent dus à l’influence de Burrhus, préfet du prétoire, et surtout de Sénèque, qui, d’instituteur du prince, était devenu son ministre le plus influent. Tout le bien que fit Sénèque dans sa haute position, et le mal qu’il réussit souvent à empêcher, justifient assez son entrée aux affaires, en ce temps où, comme le dit Tacite, la carrière semblait ouverte à tous les mérites. (Annal., XIII, viii.)

Dès lors commença la lutte, non pas d’ingratitude, mais de nécessité, que dut soutenir Sénèque contre l’influence malfaisante d’Agrippine. « On allait se précipiter dans les meurtres, si Burrhus et Sénèque ne s’y fussent opposés. (Annal., XIII, ii.) Plus loin, Tacite ajoute : « Néron s’imposait la clémence dans des discours fréquents que Sénèque, afin de prouver la sagesse de ses institutions ou pour faire

  1. Burnouf n’est pas éloigné de penser, comme Diderot, que l’éloge de la sagesse et de la prévoyance de Claude n’était, dans l’intention de Sénèque, qu’une sanglante ironie ; qu’il aurait pu, lui rhéteur si habile, dissimuler adroitement ce côté faible de l’empereur mort ; mais qu’il avait voulu faire voir au jeune César comment le bon sens populaire fait justice des éloges mensongers, même quand ils sont dans la bouche d’un prince.
  2. Procul differre cunctos principes Neronis quinquennio. Aurelius Victor.