trois étrangers qui s’y étaient glissés sans bruit : c’étaient Marcel de Rouzé, Jacques Deligny et lord Rodilan.
Le commissaire-priseur reprit :
« La Columbiad, avec tous ses accessoires, projectile, appareils électriques, grues et palans, plus les hangars dans lesquels ces objets sont conservés, sont offerts en vente sur la mise à prix de deux cent mille dollars et seront adjugés au dernier et plus fort enchérisseur, même sur une seule enchère.
« Les enchères sont ouvertes. »
Le crieur répéta :
« À deux cent mille dollars La Columbiad ! »
Un silence.
« Allons, gentlemen, décidez-vous. Jamais plus magnifique occasion ne se sera présentée pour les amateurs de la science de renouveler la fameuse tentative qui a passionné les deux mondes. »
Personne ne souffla mot.
John Elkiston se démenait derrière sa table.
« Voyons, disait-il, il n’est pas possible que ce gigantesque effort fait pour sonder les abîmes de l’infini reste à jamais perdu. Ne se trouvera-t-il done personne dans les États de l’Union pour reprendre et mener à bonne fin la plus grande idée du siécle ? Les enfants de la libre Amérique ont-ils donc perdu tout courage, tout esprit d’initiative ? Le goût des aventures héroïques a-t-il donc disparu avec les illustres Barbicane et Nicholl ? »
L’éloquence du commissaire-priseur restait sans effet, et il allait sans doute déclarer la vente remise à un autre jour, lorsque tout à coup :
« Deux cent mille cinquante dollars, » dit froidement lord Rodilan.
Tous les regards s’étaient tournés vers lui. La voix du juge exultait.
« Bravo, gentleman ! Il y a marchand à deux cent mille cinquante dollars. Je savais bien qu’une œuvre si glorieuse ne pouvait être perdue ; mais vous ne voudrez pas, vous Américains, laisser à un étranger l’honneur de réussir là où nos concitoyens ont échoué. »