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une ville morte

premiers rayons du soleil inondaient le ciel lorsqu’apparut à l’horizon une ligne noire et irrégulière que les voyageurs saluèrent avec joie. On allait donc enfin sortir de cette interminable plaine ! À côté de cette désespérante monotonie, la contrée la plus abrupte et la plus difficile allait leur offrir, au moins, l’image de la vie.

Ils arrivèrent bientôt au pied d’une sorte de muraille formée de blocs gigantesques d’un basalte noir et poli qui se dressaient brusquement comme si, dans une poussée d’une incalculable puissance, les masses ignées, déchirant la surface du sol, s’étaient élancées dans l’espace, puis, subitement saisies par la basse température du milieu ambiant, s’étaient cristallisées sans se déformer.

Ce formidable soulèvement se prolongeait à perte de vue dans la direction du nord et dans celle du sud ; il ne fallait pas songer à le contourner, et l’on prit la résolution de le traverser en s’orientant toujours vers l’est.

L’entreprise était difficile et de nature à faire reculer des hommes moins résolus.

Entre les blocs violemment projetés, et qui, le plus souvent, s’entrecroisaient et s’enchevêtraient à leur base, on ne rencontrait que d’étroits et dangereux passages, à peine assez larges pour qu’on put y pénétrer un a un, et dont le sol, lisse comme une surface glacée, rendait la marche incertaine et périlleuse. À chaque instant le pied glissait ; des chutes se produisaient qui auraient pu devenir fatales si les voyageurs n’eussent pris la précaution de s’attacher les uns aux autres à l’aide de longues cordes. Et lorsque l’un d’eux venait à perdre pied, et menaçait de tomber dans quelque étroite fissure où il se serait immanquablement broyé, il était retenu par ceux qui le précédaient et le suivaient. Puis il fallait à grand’peine, en halant sur la corde, le ramener à la surface du sol et reprendre la marche interrompue.

Parfois ils se trouvaient en face de quelque bloc colossal dont la masse compacte n’offrait aucun passage. Ils étaient obligés alors d’en accomplir l’escalade. Quelques Diémides, hissés sur les épaules de leurs compagnons, creusaient dans la roche vive,