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à la recherche d’un cratère

paisible qui berçait en quelque sorte doucement son amour. Mais Jacques et lord Rodilan commençaient décidément à en avoir assez ; ils pressaient Marcel de songer enfin au retour. Et celui-ci, cédant à leurs prières et fidèle à l’engagement qu’il avait pris envers eux, se décida à s’en ouvrir à Rugel.

« Ami, lui dit-il, les vœux du grand Aldéovaze sont aujourd’hui remplis. Le lien qui doit rattacher les deux humanités sœurs est maintenant établi, et elles pourront, comme l’avait entrevu l’esprit de ce sage, marcher de conserve dans la voie du progrès. Notre tâche est achevée. Le résultat que nous avons obtenu a dépassé de beaucoup ce que nous avions osé rêver en nous lançant dans une aventure inconnue. Si nos ambitions et nos aspirations les plus hautes ont été satisfaites, notre cœur a trouvé ici de douces récompenses ; nous y avons rencontré de précieuses sympathies, de solides amitiés, et nous en garderons l’éternel souvenir. Mais, excusez-nous, ami, cela ne nous suffit plus. Vous le comprendrez assurément, vous qui donnez toute votre vie, tout ce que vous avez de force et d’intelligence à ce monde qui vous a vu naître et où vivent ceux que vous aimez. Nous aussi, nous avons une patrie que nous chérissons ; nous avons pu ne pas souffrir d’en être séparés tant que nous étions soutenus par le désir de travailler à sa gloire et à son bonheur. Mais aujourd’hui l’amour de la terre natale se réveille impérieux dans nos âmes ; nous aspirons vers elle de toutes les puissances de notre être et nous souffrons d’en être privés. »

Pendant que Marcel parlait ainsi, le visage de Rugel s’était voilé de tristesse.

« Ce que vous dites là, ami, répondit-il, m’afflige mais ne saurait me surprendre. Je m’y attendais. J’ai bien compris qu’une fois passée la surprise qu’avait dû vous causer un monde si différent du vôtre, lorsque vous n’auriez plus devant les yeux le noble but auquel vous vous étiez voués, il vous manquerait quelque chose que toute notre affection serait impuissante à vous donner. Vous voulez nous quitter, ajouta-t-il avec un sourire mélancolique ; votre départ nous fera souffrir ; mais nous vous aimons trop pour songer même à le retarder. Pour ma part, j’emploierai