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retour à l’observatoire

nieur, et comme sa fille ne pouvait avoir de secret pour lui, il avait pu suivre dans tout son développement la phase de passion par laquelle avait passé Marcel.

Jamais, sans doute, il n’avait été inquiet au sujet de sa fille, et n’avait redouté que le sentiment dont elle était l’objet pût troubler la paix de son âme. Mais il n’avait su se défendre d’une secrète sympathie pour des souffrances morales que sa haute intelligence comprenait, et il avait admiré la force avec laquelle Marcel en avait triomphé, l’énergie avec laquelle cette âme virile s’était reprise. Maintenant, en effet, Marcel semblait avoir complètement oublié cet instant de faiblesse.

La vérité est que son cœur saignait encore ; mais il avait juré à Oréalis d’être digne d’elle, et il était résolu à tenir son serment. À peine de retour à l’observatoire, les trois amis allèrent, avant tout, visiter les appareils qui leur avaient déjà servi à faire leurs signaux lumineux. Tout était en bon état : rien ne s’opposait à ce que les communications fussent reprises au point où elles avaient été interrompues.

Cet examen terminé, Marcel, suivi de ses amis, s’était rendu dans la salle des observations. Les deux astres étaient à leur premier quartier, et, pour les deux points d’où devaient se faire les signaux, la concordance des nuits était complete. Mais à ce moment, sur la Terre, le continent américain était encore éclairé et il fallait attendre plusieurs heures ayant qu’il fût rentré dans la nuit et qu’il fût possible d’y revoir le point lumineux déjà entrevu.

Tous trois étaient en proie à la plus vive impatience.

« Vous me croirez, si vous voulez, mon cher Marcel, s’écria lord Rodilan, mais je donnerais bien mille guinées pour savoir ce qu’on pense de nous sur la Terre. Nous regarde-t-on comme des fous ou nous tient-on pour d’audacieux savants qui vont révolutionner tout ce que l’on sait ou croit savoir sur la Lune ?

— Vous faites, mon cher lord, répondit Marcel, bien de l’honneur à nos compatriotes terrestres. Tenez pour certain que, sauf pour nos amis de Long’s Peak et sans doute aussi l’oncle de Jacques, personne ou presque personne ne s’intéresse à nous. Je suis même conyaincu que, si la nouvelle de apparition de nos lettres lumi-