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CHAPITRE II

UN AMOUR SANS ISSUE

Les prévisions d’Azali s’étaient réalisées.

Grâce aux soins dévoués dont ils avaient été l’objet, Marcel et ses deux amis avaient recouvré assez promptement leur santé physique ; mais il s’était produit en eux un phénomène étrange. Sous l’influence du poison qui avait envahi tout leur organisme, leur intelligence était demeurée comme assoupie ; leur esprit était resté plongé dans des ténébres profondes ; la mémoire avait disparu ; les idées ne s’enchaînaient que d’une facon confuse ; les perceptions même des sens étaient incohérentes et comme inachevées.

Pour tout dire en un mot, il semblait que leur cerveau fût devenu comme une table rase où plus rien ne restait des notions acquises et des idées emmagasinées. Ils étaient semblables à des enfants qui ouvrent aux impressions de la vie une âme neuve et candide encore ; ils avaient tout à rapprendre.

Et c’était un spectacle à la fois singulier et attristant que de voir ces hommes robustes, dans toute la maturité de leur vie, redeyenus ignorants, timides et hésitants comme de petits enfants au seuil même de l’existence.

Pendant les quelques jours qui avaient suivi la terrible secousse, ils avaient été de la part de la fille de Rugel l’objet de la plus vigilante sollicitude.