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la réception

ses débuts, où elle se distinguait à peine de l’animalité, sa marche lente dont chaque pas fut marqué par des luttes sanglantes, où chaque conquête fut le prix du deuil et des larmes. Il espérait que ces esprits, doués d’une haute conception philosophique, comprendraient ce qu’il avait fallu au génie des humains de persévérance et de foi en eux-mêmes pour triompher de tant de difficultés et de périls. C’était, il le sentait déjà, le seul moyen de relever un peu aux yeux de ces êtres supérieurs la triste condition des habitants de la Terre.

Quelques-uns des savants qui composaient l’assemblée s’étaient arrêtés à examiner un magnique atlas d’anatomie, et Jacques qui, ils ne l’ignoraient pas, avait, en sa qualité de médecin, approfondi les sciences médicales et physiologiques, leur expliquait le mécanisme des organes qui servent à la nutrition. C’était avec la curiosité toujours en éveil d’esprits avides de savoir qu’ils considéraient cette structure humaine qui ne différait de la leur que par ce seul point. Mais ce point était d’une très haute importance. Et l’un de ceux qui entouraient Jacques ne put s’empêcher de lui dire :

« Ami, je ne vous cacherai pas qu’au premier abord, lorsque nous avons vu que la nature, moins généreuse pour vous que pour nous, ne vous avait pas délivrés de la pénible obligation de renouveler chaque jour les éléments indispensables à votre vie, nous avions songé qu’il n’était resté à votre race que bien peu de loisirs pour cultiver ses facullés pensantes. Aussi nous sommes agréablement surpris d’apprendre que vous avez pénétré si avant dans l’étude des sciences. Ce que nous voyons de vos progrès dans tous les ordres de connaissances nous émerveille et nous charme à la fois.

— C’est que, répondit Jacques en souriant, le besoin de se nourrir a fait pour les habitants de la Terre, dans une moindre proportion, je me hâte de le reconnaître, ce qu’a fait chez vous le seul amour de la vérité. C’est parce qu’il était astreint à ces nécessités matérielles, parce qu’il fallait les satisfaire à tout prix, que l’homme s’est ingénié à chercher et a trouvé. Chacune de ses conquêtes, en satisfaisant son esprit, accroissait son bien-être, et il y trouvait la récompense de ses efforts. »