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bien plus de bonheur depuis que je suis homme et que je comprends mieux tout ce que je te dois.

juliette.

Oh ! Charles ! mon ami ! que tu es bon et dévoué !

charles.

Qu’aurais-tu fait si je m’étais marié ?

juliette.

Je me serais retirée dans un couvent, et j’espère que j’y serais morte bientôt.

charles.

Pauvre Juliette ! Pauvre amie ! Quelle récompense de ta bonté ! »

Charles se promena avec agitation dans la chambre. Il parlait haut sans s’en douter.

« C’est incroyable !… disait-il. Je ne l’aurais jamais deviné !… Elle est folle !… À trente-deux ans !… Et un homme de quarante-cinq !… Ils sont fous tous les deux !… Et cette pauvre petite !… C’est mal !… Très mal !… Et ils croient que je la laisserai là !… seule ! à souffrir, à pleurer !… Jamais !… Je vivrai pour elle comme elle vit pour moi !… Si elle y voyait ! Mon Dieu, si elle y voyait ! »

Son agitation se calma tout doucement.

« Juliette, dit-il, viens promener ; viens respirer dans les champs ; on étouffe ici. »

Ils sortirent. Charles mettait plus de soin que jamais à lui faire éviter les pierres, les ornières ; il semblait comprendre qu’il était dans l’avenir son seul appui, son seul ami. Juliette avait sans doute la même pensée, car elle mettait plus d’a-