Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/73

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par l’énergie surnaturelle de la foi, et se trouvant sans cesse en présence de malades dont ils doivent être par état les serviteurs dévoués, auxquels ils doivent rendre les soins même les plus répugnants, ils se laissent aller au dégoût, à l’ennui, à des brusqueries aussi naturelles que regrettables. De leurs mains, qui ne se joignent point pour la prière et que n’a point adoucies l’amour de Jésus-Christ, ils manient rudement le corps et l’âme des malades. Ils ignorent les délicatesses, les ménagements, les tendresses ingénieuses de la charité. Habitués à avoir sans cesse devant les yeux des mourants et des morts, ils s’endurcissent à ce spectacle et bientôt n’y compatissent plus. On en a vu, plus d’une fois, s’oublier jusqu’à discuter à haute voix devant les malades l’époque probable de leur mort, jusqu’à en plaisanter entre eux et en faire le sujet de détestables paris. Alors même qu’ils ne s’emportent pas jusqu’à de tels excès, ils sont habituellement sans douceur et sans compassion, et l’on peut dire que toute cette hygiène morale, si je puis ainsi parler, plus importante peut-être que les soins physiques pour assurer la guérison, n’existe point avec eux.

Pourquoi ? Hélas ! je l’ai dit et je le répète, parce qu’ils sont des hommes et qu’ils exercent en hommes un ministère pour lequel les hommes ne suffisent pas. Pour ce ministère sacré des malades et des mourants, il faut des saints ou des saintes, il faut des fils de Saint-Jean de Dieu ou des filles de la Charité.

C’est donc une grande et belle œuvre que d’avoir placé les sœurs de Saint-Vincent de Paul dans les hôpitaux militaires de France ; mais ce n’est pas tout, et il reste encore à faire ; il reste des devoirs sacrés, j’ose le dire, et en même temps bien faciles à remplir à l’égard de nos soldats malades. Je me permettrai d’indiquer ici les plus urgents.