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qu’en plaçant les sœurs de Charité dans les hôpitaux militaires de France, Napoléon III a fait une œuvre digne de la bénédiction de Dieu et de la reconnaissance publique ; c’est qu’il a rendu aux familles, à la religion et à l’armée un de ces services dont les âmes chrétiennes se souviennent toujours. Le premier depuis cinquante ans, il a rendu des sœurs, de bonnes, pieuses et tendres sœurs, aux pauvres soldats malades, et par là il a donné aux mères chrétiennes la plus précieuse, la seule vraie consolation, et il a assuré dans l’armée le salut de bien des âmes. Aussi, quand cette grande nouvelle pénétra pour la première fois dans l’hôpital militaire du Gros-Caillou, et qu’elle eut gagné de dortoir en dortoir avec une incroyable rapidité, on vit dans toutes les salles, et par un élan spontané de reconnaissance et de joie, les pauvres malades se soulever sur leurs lits et s’écrier du fond de l’âme : « Vivent les sœurs ! Vive l’Empereur ! »

Et depuis qu’elles ont pris possession de leurs sublimes fonctions, d’autant plus sublimes quelles sont plus humbles et plus restreintes, quelle intimité touchante s’est immédiatement établie entre elles et les soldats ! Quelle tendresse et quel respect de la part des malades, quelle modestie souveraine de la part des sœurs ! Quelle chasteté simple et profonde, qui rayonne si visiblement autour d’elles, qu’elle fait paraître naturelles toutes les saintes audaces de la charité, et que le cynisme lui-même, interdit et troublé, balbutie, s’incline et se tait en leur présence !

Oh ! qu’il avait bien raison, le grand saint Vincent de Paul, leur fondateur, quand, répondant à ceux qui s’effrayaient de cette nouveauté hardie de jeter ses religieuses au milieu du monde, des hommes, des soldats, sans même leur donner de voile, il disait cette parole divine : « Elles auront leurs vertus pour voile ! » Oui,