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en lisant et relisant la lettre pleine de fautes d’orthographe de ce pauvre soldat. Elle m’apprenait, non que j’avais fait un beau livre, mais que j’avais fait un livre utile ; elle m’apprenait que j’avais touché à fond une âme, une de ces chères âmes rachetées par le sang de Jésus-Christ. Puissé-je, avec la grâce de Dieu, atteindre encore ce but et n’en poursuivre jamais un autre en écrivant !

Voilà comment les soldats savent aimer Dieu et les chrétiens qui cherchent à les ramener à Dieu. Il est facile de juger par là de leur reconnaissance ardente envers leurs aumôniers et leurs sœurs de Charité. Ils aiment, ils vénèrent ces bonnes sœurs, et, qu’on le sache à l’éternel honneur du cœur humain, ce qu’ils chérissent le plus en elles, ce n’est pas tant l’allégement qu’elles apportent aux misères de leurs corps que l’amour qu’elles manifestent pour leurs âmes. Je ne parlerai point longuement de ces admirables servantes de Jésus-Christ. Avant la guerre d’Orient, il eût peut-être été opportun de raconter les prodiges de leur charité et de leur dévouement car la France, la France elle-même, dont elles sont peut-être le plus beau titre de gloire, ne les connaissait qu’à demi, et ne les mettait point assez haut dans son respect et dans son amour. Il a fallu cette immortelle campagne pour les révéler tout entières à la France et au monde. Mais enfin, aujourd’hui que cette révélation a eu lieu, que pourrais-je dire sur elles qui n’ait été proclamé hautement, non seulement par des Français et des catholiques, mais par des Russes, des protestants et des Turcs ? Non, saintes filles, chastes épouses de Jésus-Christ, alors même que mon témoignage serait retentissant dans le monde, vous n’avez pas besoin de mon témoignage !

La seule chose que je veuille, que je doive dire, et que tout homme de cœur et de foi redira avec moi, si l’esprit de parti n’étouffe point en lui tout esprit de justice, c’est