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mal… Pourquoi vous le cacher ? il a expiré très paisiblement après cinq minutes d’agonie. Je regrette bien de ne m’être pas trouvé là pour ses derniers moments. Je suis arrivé cinq minutes trop tard ; il rendait le dernier soupir comme j’entrais dans la salle… Il me disait hier qu’il s’était confessé, qu’il en était content, qu’il pensait toujours à la sainte Vierge, que vous lui aviez donné des petites médailles, qu’il y tenait beaucoup. Je crois qu’il est dans le ciel, car il est mort saintement. »

Cette lettre me causa autant de chagrin que de surprise. Ainsi mon pauvre Louis était mort, et je n’avais pas assisté à ses derniers moments ! Je m’étais absenté cinq jours seulement, et je ne le retrouvais plus au retour ! Encore tout ému de cette fatale nouvelle, je courus à l’hôpital et je montai chez l’aumônier ; j’étais avide d’avoir quelques nouveaux détails sur la mort du soldat. Cet excellent prêtre, auquel j’avais déjà recommandé particulièrement mon malade, me confirma la nouvelle du funeste événement ; il m’affirma aussi que, la veille de sa mort, le jeudi soir, Louis s’était confessé avec toute sa connaissance. Ne croyant pas à une fin si prochaine, il ne lui avait point administré les derniers sacrements de l’Église mais la mort était venue plus vite qu’il ne l’avait pensé, et le lendemain vendredi, vers midi, Louis avait expiré presque subitement, avant qu’on eût eu le temps d’aller chercher l’aumônier.

Tout en regrettant amèrement que mon pauvre ami n’eût point été administré, la pensée qu’il avait reçu le sacrement de Pénitence et le pardon de ses fautes, la veille même de sa mort, fut pour moi une grande consolation, et je pus me dire avec une certitude presque absolue que son âme était sauvée. En quittant le bon aumônier, je voulus aller une fois encore dans la salle où le jeune soldat était mort ; j’espérais avoir quelques