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et vont mourir peut-être loin du regard et de l’amour de leur mère, tout cela accroît singulièrement la tristesse du spectacle, et remplit le cœur d’une émotion poignante.

Ce n’est point que l’aspect de l’hôpital soit triste et sombre par lui-même ; il est, au contraire, plein de soleil et de tranquillité. Les cours sont plantées de grands arbres et coupées de petits parterres de verdure et de fleurs. Les bâtiments sont propres et leurs murailles blanches ont une apparence de gaieté. À l’intérieur, les salles sont vastes, bien aérées, lumineuses, et, quand j’allais voir mon jeune ami, je remarquais avec satisfaction que le soleil de janvier ne brillait pas une minute au ciel sans que ses pâles rayons vinssent à travers les vitres des croisées réjouir les pauvres malades et leur sourire comme une espérance envoyée d’en haut. Mais qu’est-ce que le soleil et sa joyeuse lumière quand on a devant les yeux cette longue file de lits presque tous occupés par un soldat qui souffre ? Hélas ! la maladie est toujours la maladie, et un hôpital est toujours une triste demeure et un douloureux spectacle ?

En traversant les cours et les jardins pour me rendre à la salle de Louis, je contemplais chaque fois avec une douce émotion les malades qui, déjà à moitié guéris, se promenaient sous les grands arbres ou se tenaient assis le long des murs, respirant avec délices les rayons du soleil. Tous portaient une grande robe de chambre en laine grise, des pantalons pareils, des pantoufles en cuir jaune, une large cravate blanche qui retombait sur leur poitrine en forme de jabot ; ce costume est très pittoresque et sied assez bien. Si rien n’est plus triste que l’aspect d’un malade, rien n’est plus doux que la vue d’un convalescent. La physionomie conserve quelques traces des souffrances traversées, et la maladie apparaît encore à la pâleur des joues, à la fatigue des traits,