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Ce signe incommunicable de la royauté et de la vérité, non-seulement l’Église l’a seule, mais elle l’a toujours ! Elle l’avait hier, elle l’a aujourd’hui, elle l’aura demain. Image de Dieu qui agit et crée incessamment, incessamment elle tire de son sein des enfants de grâce et d’amour. Plus ou moins féconde, selon les circonstances et les époques, jamais elle ne demeure inactive ni stérile, et c’est ainsi, pour rester dans le cercle déjà si vaste de mon sujet, que cette histoire des missionnaires et des martyrs que j’ai racontée va se continuant et se développant tous les jours[1].

Oui, tous les jours, dans ce séminaire des Missions étrangères, dans cette chambre vénérable des martyrs, devant leurs ossements sacrés, des prêtres s’agenouillent et demandent à Dieu comme une faveur incomparable la grâce d’aller à leur tour prêcher son nom aux infidèles, et comme unique récompense le bonheur de souffrir et de mourir pour lui ! De tous les points de la France, des engagés volontaires viennent incessamment recruter cette sainte milice et remplir les vides qu’y font les fatigues, les souffrances et la mort ! Il ne se passe point d’années sans que plusieurs départs de missionnaires aient lieu, et il ne se passe guère d’années non plus sans que quelque nom vienne s’ajouter à la liste funèbre et glorieuse des martyrs.

Au moment où je commençais ce chapitre, M. Chapdelaine était encore le dernier missionnaire connu qui eût subi le martyre en Asie : il ne l’est déjà plus aujourd’hui ! Le

  1. Je ne m’occupe ici que des missionnaires et des martyrs de la congrégation des Missions étrangères ; mais personne n’ignore les travaux et les martyres non moins admirables des missionnaires jésuites, lazaristes, dominicains et autres. Le trésor de la charité catholique est inépuisable, et, en décrivant la chambre des martyrs, je n’ai fait qu’en montrer une parcelle. (Note de l’auteur.)